« J’ai entendu un grondement sourd, puis des cris étouffés sous la montagne qui s’effondrait », raconte Bahati, survivant au drame de Lomera, les mains encore tremblantes de boue. Ce dimanche 20 juillet, la terre a littéralement avalé des vies dans le territoire de Kabare, au Sud-Kivu. Sous les décombres d’un éboulement en cascade, au moins dix corps sans vie ont été extraits de ce qui fut des puits d’or artisanaux. Mais combien d’autres y restent prisonniers ?
Dans la localité de Luhihi, le paysage n’est plus que cicatrices : des collines entières se sont désagrégées, ensevelissant une dizaine de galeries de fortune où des creuseurs tentaient d’arracher au sol quelques grammes de minerai. Les recherches se poursuivent dans une course contre la montre, mais l’espoir s’amincit comme le brouillard matinal. « Mon voisin et ses deux fils sont là-dessous », murmure une femme en larmes, le regard rivé sur les bulldozers improvisés. Une question obsède la communauté : pourquoi ces drames se répètent-ils inlassablement ?
Les causes, hélas familières, pointent un cocktail mortel. Les pluies torrentielles de ces dernières semaines ont gorgé les sols, tandis que l’instabilité géologique de cette région du Sud-Kivu crée un terrain propice aux glissements. Mais le vrai poison reste l’insécurité structurelle des mines artisanales en RDC. À Lomera comme ailleurs, des puits sont creusés à la verticale, sans étayage, sous la pression d’une économie de survie. « On sait que c’est un jeu avec la mort, mais comment nourrir sa famille autrement ? » interroge un ancien creuseur, résumant une fatalité congolaise.
Cette catastrophe à Kabare n’est pas un hasard, mais le symptôme d’un système qui sacrifie l’humain sur l’autel de la précarité. Des milliers de Congolais s’enfoncent chaque jour dans ces tunnels de misère, attirés par le mirage de l’or tandis que l’État peine à réguler ce secteur anarchique. Les coopératives minières manquent de moyens techniques, les contrôles de sécurité sont rares, et les creuseurs – souvent payés au pourcentage infime du minerai extrait – n’ont pas le luxe de refuser des puits dangereux.
Derrière chaque décès sur ce site minier, c’est tout un modèle économique qui vacille. Le drame de Lomera pose crûment la question des alternatives pour ces populations du Sud-Kivu. Quand l’exploitation artisanale devient cercueil, quelle dignité reste-t-il à ceux qui n’ont que leur force de travail ? La boue a enseveli des vies, mais aussi l’illusion que ces accidents sont de simples fatalités. Tant que persistera cette impunité géologique et sociale, les collines de la RDC continueront de pleurer leurs enfants.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net