La nuit de mardi à mercredi, un silence anormal a envahi les rues de Likasi. Plus de cris d’enfants, plus de bruits de marteaux dans les ateliers, plus de lueurs aux fenêtres. Seul le bourdonnement inquiet des générateurs de fortune rompt parfois cette obscurité insolite. « On croyait à une panne ordinaire, mais quand le jour s’est levé et que la lumière n’est pas revenue, on a compris que c’était grave », témoigne Adèle, commerçante au marché central, dont les denrées périssables commencent à dépérir dans l’ombre.
Le cœur industriel du Haut-Katanga bat au ralenti depuis que près de 800 mètres de câbles en cuivre de la SNEL ont été arrachés par des vandales non identifiés. Cette sauvagerie ciblait précisément la ligne haute tension numéro 51, artère vitale alimentant Likasi depuis le poste de Panda. Doudou Bakutu, directeur du transport sud de la SNEL, ne cache pas son amertume :
« Il y a eu acte de vandalisme. Depuis minuit, toute Likasi est dans le noir. Ces inciviques ont volé des conducteurs en cuivre sur notre ligne principale »
.
L’onde de choc dépasse largement la deuxième ville de la province. Kambove, Kapolowe, Bungubungu, Luisha – toute une ceinture économique se retrouve paralysée. Pire encore : la centrale hydroélectrique de Mwadingusha, capable de produire 75 mégawatts, se trouve dans l’incapacité totale d’évacuer son énergie. « Nous ne pouvons même pas alimenter nos clients miniers », déplore Bakutu, évoquant un manque criant de 120 mégawatts pour le seul poste de Shituru. Une catastrophe pour une région où, selon la Banque Africaine de Développement, 85% de l’électricité sert précisément à faire tourner l’industrie extractive.
Cette coupure courant Likasi révèle une vulnérabilité alarmante. Comment des bandes organisées peuvent-elles s’attaquer impunément à des réseaux électriques stratégiques ? Le vol de câbles SNEL n’est pourtant pas un fait isolé, mais s’inscrit dans une crise énergie Haut-Katanga chronique. La RDC souffre déjà d’un déficit énergétique abyssal – la SNEL elle-même reconnaît que le secteur minier réclame 1 000 MW supplémentaires. Ce vandalisme réseau électrique aggrave une situation déjà tendue, avec un impact minier panne RDC qui pourrait se chiffrer en millions de dollars perdus.
Sur le terrain, les équipes de la SNEL tentent d’improviser des solutions d’urgence. « Nous étalonnons des conducteurs de remplacement », explique Bakutu, tout en lançant un appel pressant aux services de sécurité.
« Ces infrastructures sont des patrimoines de l’État ! Les lignes haute tension doivent être protégées comme des biens nationaux »
. En attendant, l’entreprise envisage de déployer des postes de gardiennage – mesure palliative face à un mal profond.
La question brûle les lèvres : jusqu’où ira cette spirale infernale ? Dans un pays assis sur un potentiel hydroélectrique colossal, comment expliquer que des villes entières basculent dans le noir au gré des prédations criminelles ? Les habitants de Likasi, eux, grattent déjà des allumettes en se demandant combien de jours durera cette obscurité. Chaque heure sans électricité ronge un peu plus le tissu économique local, des petites échoppes aux géants miniers. Cette panne généralisée sonne comme un avertissement : sécuriser l’énergie n’est pas un luxe, mais une condition sine qua non pour l’avenir industriel et social du Katanga.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd