Dans l’écrin feutré du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, la troisième édition du Salon Café na Culture déploie ses ailes comme un phénix renaissant. Initialement prévue en février, cette rencontre tant attendue s’épanouit enfin les 11 et 12 juillet, transformant l’espace en un laboratoire vivant où se cristallisent les interrogations sur l’héritage culturel RDC. Une jeunesse avide de sens, mêlée aux sages porteurs de mémoire, compose ce tableau vibrionnant où chaque discussion semble tisser les fils d’une renaissance congolaise.
Pedro Mukena, coordonnateur de l’événement, observe avec une satisfaction non dissimulée cette effervescence générationnelle : « Je suis content de la participation de la jeunesse qui est une cible particulière. Voir qu’elle est réunie pour cette activité, c’est une grande satisfaction ». Sous le thème « La RDC : héritage et renaissance », les panels dessinent une cartographie intellectuelle audacieuse, où l’architecture congolaise devient soudain un miroir fracturé de l’identité nationale.
Le professeur Victor Bay, de l’ISAU, lance un pavé dans la mare architecturale kinoise lors du premier panel : « Je prends dangereusement le risque de dire qu’il n’existe pas une architecture identitaire congolaise ». Sa voix porte loin dans la salle comble, dénonçant une aliénation des formes, ces bâtiments qui miment des modèles exogènes sans épouser les traditions locales. Ne faudrait-il pas, interroge-t-il, une conscientisation collective dès l’enfance pour réapprendre nos propres symboles ? Cette architecture en quête d’âme devient alors la métaphore d’une nation cherchant son socle identitaire.
Dans un élan complémentaire, la politique se pare d’un balai symbolique entre les mains de Marie-Josée Ifoku. La candidate présidentielle brandit l’étendard de la « combolisstion » : « La renaissance doit commencer par soi-même d’abord, une prise de conscience de la situation dans laquelle le Congo se trouve aujourd’hui ». Son discours, tel un mantra, appelle à ce retournement introspectif où chaque citoyen devient artisan de sa propre libération.
L’air s’emplit soudain de senteurs envoûtantes lorsque Maman Godé Muvaro, diva de la gastronomie Kinshasa, prend la parole. Son panel transforme l’espace en une cuisine géante où les saveurs deviennent langage : « La gastronomie est fondée sur des relations entre la nourriture, la culture et la tradition. Au fil de temps, elle s’est révélée comme une force culturelle ». Face aux jeunes, elle dresse un inventaire poétique des mets régionaux, ce patrimoine gustatif qui résiste aux assauts de la modernité. « Je vous exhorte à aimer notre gastronomie, chérissons-la, conservons-la », lance-t-elle, telle une prêtresse veillant sur un héritage sacré.
Comment ne pas voir dans cette trilogie – pierre, pouvoir et pain – les piliers d’une renaissance culturelle ? L’architecture questionne notre rapport à l’espace, la politique notre organisation collective, la gastronomie notre mémoire sensorielle. Chaque intervention, chaque échange dans les allées du Salon Café na Culture, semble reconstituer le puzzle complexe d’une identité congolaise en mutation.
Et comme pour sceller cette quête par la célébration, la deuxième journée s’achève en apothéose avec un concert rumba RDC. Les notes chaudes de la rumba, ce patrimoine immatériel de l’humanité, résonnent dans la nuit kinoise, offrant une réponse mélodique aux interrogations du jour. La jeunesse danse, corps et âmes synchronisés dans ce rythme ancestral, comme si la musique devenait soudain le ciment de cette renaissance tant espérée. Entre héritage réinterrogé et renaissance en marche, Café na Culture affirme sa place indispensable dans le paysage culturel congolais.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd