Alors que l’est de la RDC subit l’offensive du M23 soutenu par Kigali, un nouveau front de tension se dessine en Ituri. Selon un rapport confidentiel du groupe d’experts des Nations-Unies, l’Ouganda a massivement renforcé sa présence militaire sans l’accord préalable de Kinshasa. En février et mars 2025, plus de 1 000 soldats de l’UPDF et un arsenal conséquent ont pris position à Bunia, Mahagi et Djugu.
Ce déploiement dirigé par le général Félix Busizoori s’est effectué hors du cadre des opérations conjointes Shujaa contre les ADF. Officiellement justifié par la protection des Hema face aux exactions de la CODECO, il cacherait selon l’ONU des ambitions géostratégiques plus larges. Les ressources du lac Albert et les corridors commerciaux transfrontaliers constitueraient les véritables motivations de Kampala.
La réaction des FARDC ne s’est pas fait attendre. Cette présence non coordonnée a été perçue comme une menace directe par les autorités militaires congolaises et la communauté Lendu. Le président Tshisekedi, confronté à une situation explosive, a finalement entériné a posteriori ce déploiement. Des patrouilles conjointes ont été mises en place en mars pour désamorcer la crise.
Le groupe armé CODECO n’a pas tardé à réagir violemment. L’établissement de camps ougandais près de Fataki sur la RN27 – axe vital pour le commerce transfrontalier – a déclenché des semaines d’affrontements sanglants. Des bombardements intensifs de l’UPDF ont détruit le village Lendu d’Ar’r, faisant de nombreuses victimes civiles. Les pertes des deux camps restent non chiffrées.
La situation rappelle douloureusement l’intervention ougandaise des années 2000 qui avait exacerbé les tensions intercommunautaires. Les déclarations incendiaires du général Muhoozi Kainerugaba, défendant ouvertement les Hema, ont encore attisé les craintes d’un embrasement ethnique. La MONUSCO se trouve paralysée par ce déploiement qui chevauche ses zones d’opération sans aucune coordination.
Face à ce tumulte, Kinshasa et Kampala ont signé le 20 juin un mémorandum révisé des opérations Shujaa. Ce nouveau cadre étend les interventions conjointes contre les ADF à Mambasa et inclut désormais les groupes armés d’Ituri, notamment dans les territoires de Djugu et Mahagi. Un dispositif de renseignement commun est maintenu tandis que la sécurisation de la route Kasindi-Beni-Butembo devient prioritaire.
Cette révision tardive suffira-t-elle à légitimer la présence ougandaise ? Les blessures infligées aux populations civiles pendant les combats pourront-elles cicatriser ? Le rapport onusien souligne que les intérêts économiques sous-jacents continuent de peser lourdement sur cette crise sécuritaire complexe. La crédibilité des nouvelles dispositions dépendra de leur application sur le terrain, loin des signatures protocolaires.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd