Les cris de colère résonnent devant le siège de la Société nationale d’électricité à Bukavu. Sous un soleil accablant, des dizaines d’agents, bras croisés et visages fermés, campent depuis jeudi devant les bâtiments de la SNEL. Leur calicot déployé comme un étendard de révolte dénonce une décision inacceptable : la nomination d’un sous-directeur par les rebelles du M23, ces mêmes hommes armés qui occupent illégalement la ville du Sud-Kivu. « Ce poste n’existe même pas dans nos textes ! C’est un coup de force politique », lance un ingénieur électrique, la voix tremblante d’indignation.
Cette protestation SNEL Bukavu plonge l’institution dans une paralysie totale depuis vendredi. Pourtant, dans un paradoxe saisissant, les lampadaires des avenues de Bukavu continuent de s’allumer à la tombée de la nuit. Comment expliquer ce maintien miraculeux du courant alors que les bureaux sont déserts ? « Nous distinguons notre colère légitime de notre devoir envers la population », explique une technicienne jointe au téléphone. « Les opérateurs de terrain assurent le service minimum, mais toute l’administration est à l’arrêt. » Cette crise électricité Sud-Kivu révèle la résistance silencieuse des fonctionnaires face à l’ingérence armée.
Le cœur du conflit SNEL M23 bat autour d’une question fondamentale : jusqu’où peut s’étendre l’emprise des groupes rebelles sur les institutions étatiques ? La création ex nihilo de ce poste de sous-directeur constitue un précédent dangereux. « Si nous acceptons aujourd’hui qu’ils nomment un cadre, demain ils contrôleront toute la distribution électrique », s’alarme un syndicaliste présent sur place. Ce sit-in agents SNEL n’est donc pas qu’une lutte corporatiste ; c’est un combat pour la préservation de la souveraineté nationale.
Dans l’ombre, des pourparlers fiévreux se déroulent entre protestataires et hiérarchie provinciale. Une source proche des négociations confie : « Nous cherchons une porte de sortie honorable. Le M23 doit comprendre que la SNEL n’est pas un butin de guerre. » Pourtant, les manifestants restent inflexibles : aucun compromis ne sera accepté tant que cette nomination M23 SNEL demeurera en vigueur. Leur détermination semble inébranlable, comme en témoignent les matelas et provisions alignés devant les grilles.
Cette crise ouvre des blessures plus profondes dans le tissu social congolais. Que reste-t-il de l’autorité de l’État quand des milices armées dictent leur loi jusque dans les nominations administratives ? Les agents de Bukavu, par leur résistance pacifique, posent une question qui dépasse largement le cadre de la SNEL : comment reconstruire une gouvernance légitime quand les armes remplacent le droit ? Alors que la nuit tombe sur la ville, les veilleuses des manifestants scintillent tels des phares dans la tempête – ultime lueur d’espoir pour une institution en péril.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net