Dans la plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu, un drame silencieux se joue loin des projecteurs. Près de 4000 ménages déplacés survivent dans un étau mortel, coincés entre les positions des Forces armées de la RDC (FARDC) au sud et celles de l’AFC/M23 au nord. Ces familles, qui ont fui Kamanyola, Katogota et Luberizi sous la menace des armes, errent depuis le 20 février dans un no man’s land humanitaire.
« Nous dormons à ciel ouvert, les enfants pleurent de faim », murmure une mère rencontrée près de Kabunambo, son regard perdu vers les collines où résonnent encore des tirs sporadiques. Son témoignage résume l’horreur quotidienne de ces milliers de personnes déplacées du Sud-Kivu, abandonnées à leur sort dans cette zone tampon devenue piège.
Lors de sa visite samedi 28 juin, l’administrateur du territoire d’Uvira, Jean de Dieu Masibwa, a constaté l’ampleur du désastre. « Ces familles n’ont ni abri, ni vivres, ni médicaments. Les latrines sont inexistantes, exposant tous aux maladies hydriques », déplore-t-il, la voix chargée d’une colère impuissante. Comment expliquer que des enfants doivent boire la même eau que celle où ils défèquent ? La crise humanitaire dans la Ruzizi prend des allures de bombe sanitaire à retardement.
À Sange et dans le groupement de Kabunambo, les scènes se répètent : des femmes cuisinent des feuilles sauvages dans des bidons rouillés, des vieux grelottent sous des bâches déchirées, des nourrissons dorment à même la terre boueuse. Cette urgence à Kabunambo et Sange illustre l’échec collectif face à la recrudescence du conflit FARDC-M23. Le groupe armé progresse, les populations fuient, mais l’aide tarde. Pourquoi les convois humanitaires n’atteignent-ils pas cette zone pourtant accessible ?
La géographie même de leur exil aggrave leur calvaire. Prises en tenaille entre deux fronts, ces familles déplacées de RDC ne peuvent ni avancer ni reculer. Retourner chez elles équivaudrait à marcher vers la mort. Poursuivre leur fuite les exposerait aux tirs croisés. « Nous sommes comme des rats dans un piège », résume un ancien cultivateur de Bwegera, montrant du doigt les positions ennemies visibles à l’œil nu.
Cette crise des déplacés du Sud-Kivu dépasse la simple statistique. Derrière les 4000 ménages enregistrés se cachent près de 20 000 vies suspendues à un fil. Sans intervention rapide, la plaine de la Ruzizi pourrait devenir l’épicentre d’une catastrophe humanitaire annoncée. L’administrateur Masibwa lance un appel pressant : « Il faut des abris, de la nourriture, des médicaments et des latrines d’urgence avant la prochaine saison des pluies ». Mais dans l’est de la RDC, où les cris d’alarme se perdent dans le vacarme des armes, qui entendra ces sans-voix ?
Alors que les bailleurs internationaux détournent le regard, cette tragédie pose une question fondamentale : jusqu’à quand la communauté internationale ignorera-t-elle ces populations prises en otage dans un conflit qui les dépasse ? Les ménages déplacés de RDC ne sont pas des dommages collatéraux, mais des êtres humains dont la dignité se meurt chaque jour un peu plus dans l’indifférence générale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net