Dans l’ombre des conflits qui déchirent l’Est de la République Démocratique du Congo depuis des décennies, un chiffre glaçant vient rappeler l’ampleur des souffrances endurées par les populations civiles : 250 000. C’est le nombre de victimes de violences sexuelles liées aux conflits déjà identifiées par le Fonds national des réparations (FONAREV), comme l’a révélé Emmanuella Zandi, sa directrice générale adjointe, lors d’un dialogue organisé à Kinshasa par la Commission interinstitutionnelle d’aide aux victimes et d’appui aux réformes (CIA-VAR). Comment une nation peut-elle panser des plaies aussi profondes ?
Derrière cette statistique froide se cachent des milliers de destins brisés. Des femmes, des enfants, parfois des hommes, marqués à vie par des actes de barbarie commis dans des zones en proie à l’instabilité. « Le processus de réparation est en cours », explique Mme Zandi, précisant que l’identification des victimes n’est qu’une première étape avant l’octroi d’un statut officiel. Mais entre la reconnaissance administrative et la réparation effective, le fossé semble immense.
Face à l’urgence, le FONAREV a mis en place des cliniques mobiles et des programmes de réparation intermédiaire. Ces « mesures provisoires d’urgence » ciblent particulièrement les déplacés internes, ces populations jetées sur les routes par les violences, qui survivent dans des conditions précaires. « Il s’agit de relever le niveau de vie des personnes qui ne peuvent pas être éligibles à la réparation classique », souligne la responsable. Une bouée de sauvetage pour ceux qui ont tout perdu.
Parallèlement, l’institution procède à l’indemnisation des victimes disposant de décisions de justice exécutoires. Un mécanisme d’accompagnement juridique a été déployé pour guider les survivants dans le dédale des tribunaux congolais. Mais combien de victimes auront la force ou les moyens d’engager des procédures judiciaires souvent coûteuses et psychologiquement éprouvantes ?
Le dialogue organisé par la CIA-VAR, réunissant acteurs nationaux et internationaux, vise justement à harmoniser ces efforts complexes. François Kakese, coordonnateur exécutif de la structure, y voit un cadre essentiel pour « compléter l’arsenal juridique de la justice transitionnelle ». Car les défis sont multiples : comment réparer l’irréparable ? Comment transformer des mécanismes théoriques en actions concrètes sur le terrain ?
La route vers la guérison collective semble semée d’embûches. Si l’identification des 250 000 victimes constitue un premier pas crucial, elle révèle aussi l’ampleur vertigineuse des crimes contre l’humanité commis en RDC. Chaque dossier ouvert par le FONAREV rappelle que derrière les statistiques se cachent des traumatismes transgénérationnels et des communautés entières meurtries. La réparation matérielle, aussi nécessaire soit-elle, pourra-t-elle jamais effacer les cicatrices invisibles ?
En cette période où la RDC tente de tourner la page des conflits armés, la question des réparations dépasse largement l’indemnisation financière. Elle touche à la reconstruction du tissu social, à la restauration de la dignité humaine, et in fine, à la possibilité d’une paix durable. Le travail du FONAREV et de la CIA-VAR pose les jalons d’une justice transitionnelle à l’échelle d’une catastrophe humaine dont l’onde de choc continuera de résonner pendant des générations.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net