Dans un revirement aussi spectaculaire qu’inattendu, les groupes armés Auto-défense Zaïre et MAPI ont apposé leur signature au bas du protocole d’accord paix Ituri ce samedi 28 juin à Aru, clôturant ainsi des mois de pourparlers tendus. Cette signature survient à peine 24 heures après leur retrait fracassant des négociations, protestation virulente contre l’assassinat de 11 civils dans le camp de déplacés de Djangi. Un massacre ayant brutalement rappelé la persistance des violences malgré le processus de dialogue Aru.
La veille encore, les représentants de ces factions quittaient la table des discussions, dénonçant ce qu’ils qualifiaient de “trahison sanglante” en pleine négociation. Le spectre d’un effondrement du dialogue planait lourdement sur l’Ituri, région meurtrie par des années de conflits cycliques. Comment, dès lors, interpréter ce retournement soudain ? Selon plusieurs observateurs, les longues heures de conciliabules nocturnes auraient abouti à des garanties tacites du gouvernement, bien qu’officieusement formulées.
Dans une déclaration conjointe lue d’une voix empreinte de défiance, les deux mouvements ont martelé leur volonté de “voir l’Ituri renouer avec une paix durable”. Mais cette volonté s’accompagne d’un avertissement sans ambiguïté : “La paix a un prix”. Leur adhésion à l’accord reste suspendue à quatre exigences non-négociables. Premièrement, un appui logistique conséquent pour sensibiliser les combattants et préparer leur réinsertion. Deuxièmement, la libération immédiate de tous leurs membres emprisonnés à travers le pays. Troisièmement, l’organisation d’un dialogue inclusif avec les autorités pour restaurer la cohésion sociale. Enfin, la formalisation rapide d’un accord bilatéral contraignant avec le gouvernement central.
Cette liste de conditions soulève d’épineuses questions sur la viabilité de l’accord paix Ituri. Kinshasa saura-t-il répondre à ces demandes dans des délais “raisonnables”, comme l’exigent les groupes armés ? Le gouvernement, par la voix du médiateur régional, a salué cette signature comme “une avancée historique”. Pourtant, les experts s’inquiètent déjà des possibles points de friction. La libération de combattants incarcérés, notamment, pourrait provoquer l’ire des communautés victimes de leurs exactions.
L’épineuse question de la réinsertion des combattants MAPI RDC et Auto-défense Zaïre constitue un autre écueil majeur. Sans moyens matériels dédiés et sans programme crédible de démobilisation, cette paix fragile risque de n’être qu’une trêve éphémère. La population de l’Ituri, elle, observe ces développements avec un mélange d’espoir et de scepticisme. Après le drame de Djangi, nombreux sont ceux qui s’interrogent : cet accord scellé dans l’urgence résistera-t-il à la prochaine flambée de violence ?
Les prochains jours seront décisifs pour évaluer la sincérité des engagements. Le gouvernement devra démontrer une réelle volonté politique en répondant concrètement aux revendications logistiques et sécuritaires. Quant aux groupes armés, leur capacité à contrôler leurs factions respectives sera scrutée à la loupe. Une chose est certaine : la signature d’Aru n’est qu’un premier pas sur un chemin miné, où chaque avancée devra être consolidée par des actes tangibles. L’ombre de Djangi plane encore sur l’Ituri, rappel cruel que les mots ne suffisent pas à éteindre les haines.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net