Le calvaire silencieux des édiles locaux du Kwango illustre une crise systémique qui mine la décentralisation en République Démocratique du Congo. « Trente mois en fonction sans salaire, sans prime, même pas de frais d’installation », lâche Ousmane Kasamunaku, bourgmestre de Mavula à Kenge, dans une confession teintée d’amertume. Son témoignage reflète le sort de dizaines d’animateurs des entités territoriales décentralisées (ETD) oubliés par l’administration centrale depuis leur nomination en novembre 2022.
Comment ces responsables peuvent-ils servir leurs administrés quand ils survivent dans la précarité absolue ? Au Grand Bandundu, la réalité est cinglante : des communes entières fonctionnent dans les résidences familiales des bourgmestres, faute de locaux administratifs. « Certaines n’ont même pas d’adresse officielle », confirme Kasamunaku, décrivant un système à bout de souffle où les frais de fonctionnement se réduisent à moins de 2 000 dollars distribués au compte-gouttes sur deux ans et demi.
Cette situation des bourgmestres impayés RDC dépasse la simple anecdote pour révéler une fracture inquiétante. Alors que le gouvernement projette d’organiser des élections locales, ces animateurs ETD oubliés rappellent avec force que « le salaire est un droit, non une faveur ». Leur interpellation cible directement le ministre de la Fonction publique, sommé d’appliquer l’arrêté ministériel prévoyant la mécanisation des traitements. Dans la province du Kwango, épicentre de cette crise, les salaires non versés créent une dangereuse paralysie des services publics de base.
La crise communes Congo prend des allures de bombe sociale. Plusieurs maires contactés annoncent désormais l’organisation de descentes de pression vers Kinshasa. Leur revendication est limpide : exiger que le gouvernement central respecte ses obligations légales. Comment imaginer une décentralisation efficace quand ceux qui l’incarnent sur le terrain doivent mendier leur dû ? Cette précarité forcée sape la crédibilité même des institutions locales et nourrit un terreau fertile pour la défiance citoyenne.
Derrière les chiffres – trente mois d’impayés – se cachent des drames humains quotidiens. Des édiles contraints de puiser dans leurs économies familiales pour faire tourner des mairies fantômes, sans moyens ni reconnaissance. Cette hémorragie silencieuse interroge la sincérité des engagements étatiques envers la base. Alors que la RDC affiche des ambitions de réforme territoriale, le traitement réservé à ces premiers maillons de la gouvernance locale envoie un signal désastreux. Sans réponse urgente, c’est l’édifice entier de la décentralisation qui risque de s’effondrer sous le poids des promesses non tenues.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd