Alors que le conflit avec l’AFC-M23 paralyse depuis des mois l’Est de la République Démocratique du Congo, une lueur d’espoir se profile enfin pour les acteurs éducatifs des zones occupées. Comment assurer la continuité pédagogique lorsque les combats font rage ? La réponse vient de Kinshasa où le gouvernement vient d’annoncer le paiement imminent des enseignants, superviseurs et inspecteurs ayant participé aux sessions exceptionnelles d’examens nationaux.
L’Inspecteur général à l’Éducation nationale, Hubert Kimbonza, a levé le voile jeudi 26 juin sur cette décision cruciale lors d’une réunion stratégique rassemblant les inspecteurs des provinces éducationnelles Sud-Kivu 1, 2 et 3, ainsi que des représentants syndicaux. Dans un langage sans équivoque, il a déclaré : « Tout le monde peut être assuré et rassuré qu’il touchera son argent ». Un message direct destiné à apaiser les craintes exprimées sur le terrain, où le spectre du travail non rémunéré planait lourdement sur les intervenants scolaires.
Cette annonce marque une avancée significative dans la protection des droits des éducateurs en zones de conflit. Elle concerne spécifiquement les personnels mobilisés pour l’organisation des épreuves hors-session de l’Examen d’État et de l’ENAFEP. Rappelons que ces sessions exceptionnelles avaient été mises en place pour permettre aux élèves des territoires occupés de passer leurs examens malgré l’insécurité chronique. Un véritable défi logistique et humain dans un contexte où les déplacements restent périlleux.
La réaction syndicale ne s’est pas fait attendre. Godefroid Matondo, président de l’Intersyndicale de l’Éducation nationale, a immédiatement salué cette décision gouvernementale. « Cette clarification était attendue comme le messie par nos collègues qui opèrent dans des conditions extrêmement précaires », confie-t-il. Son appel à la sérénité prend tout son sens quand on sait que certains enseignants doivent franchir des barrières rebelles quotidiennement pour rejoindre leurs salles de classe.
Mais au-delà des paiements enseignants RDC, cette mesure s’inscrit dans une politique plus large de soutien à l’éducation en zone de guerre. Le gouvernement avait déjà pris en charge les frais de participation des élèves finalistes avec l’appui technique et financier de partenaires comme l’UNICEF. Une double approche qui souligne l’urgence de maintenir coûte que coûte le système éducatif dans les régions en proie à l’AFC-M23.
Quelles leçons tirer de cette initiative ? D’abord, que la résilience éducative passe par la reconnaissance concrète du dévouement des acteurs de terrain. Ensuite, que les examens hors-session demeurent un mécanisme indispensable pour préserver le droit à l’éducation dans les conflits armés. Enfin, que la collaboration entre autorités étatiques et syndicats peut produire des résultats tangibles, même dans les pires circonstances.
Pourtant, des questions cruciales persistent. Comment garantir la sécurité des enseignants lors des distributions de salaires en zones occupées ? Le calendrier des versements sera-t-il respecté malgré les aléas sécuritaires ? Et surtout, cette mesure ponctuelle préfigure-t-elle une politique durable de soutien aux éducateurs en première ligne ?
L’ENAFEP conflit et l’Examen d’État dans le Sud-Kivu restent des symboles poignants de la résistance éducative congolaise. Alors que les combats entre FARDC et groupes armés continuent de faire des victimes civiles, le maintien des activités scolaires représente un rempart contre la déscolarisation massive. La promesse de paiement vient rappeler que derrière chaque examen sauvé des griffes de la guerre, il y a des femmes et des hommes dont le mérite mérite d’être reconnu – et rémunéré.
Cette avancée, si elle se concrétise, pourrait créer un précédent dans la gestion des crises éducatives en RDC. Elle démontre que même dans l’enfer des zones occupées Sud-Kivu, l’État garde sa capacité d’action. Un signal fort pour les milliers d’enseignants qui, chaque jour, choisissent la craie plutôt que la fuite, transformant leurs salles de classe en bastions de l’espoir.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net