Dans les collines du Sud-Kivu où le silence étouffe trop souvent les cris, une lueur d’espoir émerge des salles de formation. “Comment raconter l’indicible sans briser les victimes une seconde fois ?” s’interroge Justin Mwamba, l’un des 30 journalistes locaux formés ce 26 juin 2025 par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Cette session cruciale, organisée dans le sillage de la Journée internationale pour l’élimination des violences sexuelles liées aux conflits armés, vise à transformer les plumes en boucliers contre ces crimes.
Valeria Caccavo, Cheffe adjointe de la Sous-délégation du CICR au Sud-Kivu, a planté le décor lors de l’ouverture :
“Notre objectif dépasse la simple sensibilisation. Il s’agit d’outiller les médias pour qu’ils deviennent des acteurs clés dans la prévention des violences sexuelles en contexte de conflits armés et même en détention.”
Un message fort dans cette province de l’est de la RDC où les groupes armés utilisent le viol comme arme de guerre, laissant des communautés entières traumatisées.
L’atelier a dévoilé les mécanismes concrets déployés par le CICR : prise en charge médicale et psychologique des survivantes, programmes de réinsertion économique, mais surtout – innovation majeure – un guide pratique sur l’éthique journalistique dans le traitement des violences sexuelles. “Nommer un village peut signifier une condamnation à mort pour une survivante stigmatisée”, rappelle Caccavo, soulignant comment un reportage maladroit peut aggraver la détresse des victimes.
Jean Mukengere, Spécialiste des violences sexuelles au CICR Sud-Kivu, a martelé l’urgence de briser l’omerta médiatique :
“La violence sexuelle est omniprésente dans nos conflits, pourtant beaucoup n’en parlent pas. Nous attendons des journalistes qu’ils utilisent leur pouvoir d’influence pour mobiliser la population contre ces pratiques.”
Un appel pressant dans une région où moins de 10% des cas seraient rapportés, par crainte des représailles ou de l’exclusion sociale.
Les participants ont pris des engagements concrets : création d’un réseau de journalistes spécialisés, production de contenus de sensibilisation contre la stigmatisation des femmes, et surtout – changement de paradigme – une couverture médiatique centrée sur les solutions plutôt que la sensationalisation des drames. “Finies les images de victimes larmoyantes ! Désormais, nous montrerons les survivantes comme des résilientes”, promet une participante sous couvert d’anonymat.
Cette formation de journalistes sur les violences sexuelles pourrait marquer un tournant dans la prévention en RDC. Alors que le Sud-Kivu compte encore des dizaines de groupes armés actifs, le CICR mise sur la puissance des médias locaux pour faire reculer ces crimes. Reste à savoir si ces plumes nouvellement aiguisées pourront percer le mur de la peur et de l’impunité qui étouffe l’est congolais depuis des décennies. La réponse se lira dans les prochains reportages – et dans le nombre de femmes osant enfin rompre le silence.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd