Comment bâtir l’avenir quand les salles de classe se vident sous la menace des armes ? Dans le Nord-Kivu, particulièrement à Goma et ses environs sous occupation du M23, la clôture de l’année scolaire 2023-2024 ressemble à un naufrage pédagogique. Les chiffres sont glaçants : entre 30% et 50% de déperdition scolaire frappent ces zones, selon les experts du secteur. Un taux d’abandon scolaire en RDC qui dépasse l’entendement, poussant des générations entières vers les ténèbres de l’analphabétisme.
L’insécurité chronique, couplée aux déplacements massifs de populations, a créé une tempête parfaite. « Les enfants traversent des conditions sociales très difficiles. Le stress affecte leur performance scolaire », confie Théo Ciraba, responsable d’une école privée, la voix chargée d’impuissance. Ces témoignages illustrent une crise de l’éducation à Goma où chaque jour d’occupation ronge les fondements mêmes de l’instruction.
Dans ce paysage dévasté, les écoles privées suffoquent sous le poids des impayés. Comment maintenir un enseignement de qualité quand les frais scolaires ne rentrent plus ? La précarité ambiante a conduit de nombreux parents à l’impossible choix : nourrir leur famille ou scolariser leurs enfants. Une équation mortifère pour le système éducatif.
Le secteur public n’est pas en reste. Grèves à répétition, enseignants impayés depuis des mois, programmes inachevés… L’État semble dépassé par cette crise multiforme. Les écoles sous occupation M23 fonctionnent dans un climat de peur permanente, où la simple tenue des cours relève du défi héroïque.
Face à ce chaos, le calendrier scolaire RDC 2024 a dû être réaménagé dans l’urgence. Tandis que les établissements privés et adventistes clôtureront le 12 juillet, les écoles publiques des zones occupées tenteront de boucler leur année le 5 août. Ce décalage symbolise à lui seul la fragmentation du système éducatif national.
La vraie question est : jusqu’où peut-on laisser trembler l’avenir d’une génération ? Cette désorganisation généralisée exige plus qu’un simple rafistolage de calendrier. Elle crie l’urgence d’un plan de résilience éducative adapté aux conflits, capable de protéger les élèves même dans la tourmente. Car lorsque les écoles ferment, ce sont des rêves qui s’éteignent et des potentiels qui se perdent à jamais dans les dédales de la guerre.
Dans l’ombre des combats, des enseignants continuent pourtant leur combat quotidien. Leur résistance silencieuse rappelle une vérité essentielle : l’éducation reste le dernier rempart contre la barbarie. Mais pour combien de temps encore, si rien ne change ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net