Ce vendredi 20 juin, une foule silencieuse se pressait au cimetière Chemin du paradis à Kinshasa. Sous un ciel gris, les derniers hommages étaient rendus à Léonard Mulamba Kalala, figure tutélaire du journalisme congolais. « Professionnel rigoureux, journaliste passionné, Léonard a marqué de son empreinte plusieurs générations parmi nous », confie Amadou Ba, directeur adjoint de Radio Okapi, la voix brisée par l’émotion. La disparition de « Papa Léo », survenue le 5 juin des suites d’une maladie, résonne comme la fin d’une ère pour les médias en République démocratique du Congo.
Comment mesurer l’impact de cet homme discret mais essentiel ? Dès 2002, lorsque Radio Okapi naît sous l’égide des Nations Unies, Léonard Mulamba fait partie des pionniers recrutés parmi une vingtaine de journalistes et techniciens congolais. Secrétaire de rédaction à ses débuts, il gravit méthodiquement les échelons grâce à une arme secrète : son professionnalisme inflexible. « Son parcours sera caractérisé par la rigueur, l’intégrité et cette exigence permanente », souligne Martin Sebujangwe, l’actuel rédacteur en chef de la station, reconnaissant envers son prédécesseur.
L’ascension de Mulamba culmine lorsqu’il devient le premier Congolais nommé rédacteur en chef de Radio Okapi – un poste stratégique dans un pays en reconstruction post-conflit. Quelle signification revêtait cette promotion ? Bien plus qu’une simple reconnaissance personnelle : elle incarnait la possibilité pour les journalistes locaux d’accéder aux plus hautes responsabilités dans un média international. « J’ai connu Léonard il y a 18 ans, témoigne Amadou Ba. Ce que je retiens ? Son engagement indéfectible, sa droiture, et cet amour viscéral du métier qui inspirait chacun de nous. »
Derrière les titres et les fonctions, c’est l’humanité de « Papa Léo » que pleurent aujourd’hui ses pairs. Dans les couloirs de Radio Okapi, on se souvient de l’homme aux corrections méticuleuses, toujours soucieux d’éthique journalistique, inlassable promoteur de la mission première de la radio : informer avec impartialité pour construire la paix. Sa disparition survient à un moment crucial pour les médias congolais, confrontés à des défis croissants de désinformation et de pression politique. Qui portera désormais ce flambeau de l’intégrité professionnelle ?
Lorsque le cercueil descendit dans la terre rouge de Kinshasa, bien des regards cherchaient une réponse dans le ciel bas. La carrière de Léonard Mulamba Kalala aura été un pont entre deux époques du journalisme en RDC. « L’histoire de Radio Okapi est intimement liée à son nom », rappelle Sebujangwe, résumant le sentiment général. Alors que les derniers grains de terre recouvrent la dépouille du pionnier, une question persiste : comment perpétuer cet héritage d’excellence dans un paysage médiatique en mutation ? Le deuil de « Papa Léo » est aussi celui d’un certain idéal journalistique – un idéal que ses élèves devront maintenant défendre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net