« Pendant que nous sommes ici, d’autres manquent de tout. Des enfants n’ont rien à porter. Nous ne pouvons pas rester indifférents. » La voix nouée d’émotion de Kasongo Mabwisha, président de l’Intersyndicale du Grand Katanga, résonne dans l’entrepôt de Lubumbashi où s’empilent des montagnes de sacs de farine, des ballots de vêtements et des bidons d’huile. Cette image saisissante symbolise l’extraordinaire campagne solidarité Katanga lancée depuis le 1er mai pour venir en aide aux victimes des conflits armés.
Comment ignorer le drame qui se joue à l’autre bout du pays ? Des milliers de familles, chassées par les violences dans l’Est de la RDC, errent sans abri ni ressources. Face à cette détresse, l’Intersyndicale a transformé ses revendications professionnelles en cri d’alarme humanitaire. « Cette initiative dépasse nos luttes syndicales habituelles », insiste Mabwisha, « c’est un devoir patriotique. »
La mobilisation citoyenne Lubumbashi a pris des proportions inattendues. De Kasumbalesa aux quartiers populaires de la capitale du Haut-Katanga, les habitants ont vidé leurs garde-mangers et armoires. Trois mille tonnes de denrées et biens essentiels – farine, sel, chaussures, habits – remplissent aujourd’hui des entrepôts improvisés. « J’ai donné deux sacs de maïs et des vêtements pour mes frères de l’Est », témoigne Joséphine, vendeuse au marché de Kenya, les mains encore blanches de farine. « Quand on voit les images à la télévision, comment fermer les yeux ? »
Cette aide humanitaire Grand Katanga révèle une prise de conscience collective face à l’urgence. Les autorités provinciales, partenaires de l’opération, reconnaissent l’ampleur du mouvement. Pourtant, derrière cet élan généreux se cache une réalité amère : pourquoi l’État ne parvient-il pas à protéger ses citoyens ? La solidarité citoyenne comble-t-elle les carences d’une gouvernance défaillante ?
Les déplacés guerre Est RDC survivent dans des conditions inhumaines, abandonnés par les mécanismes étatiques de protection. Chaque paire de chaussures collectée, chaque litre d’huile, devient un symbole de résistance face à l’indifférence. « Ces dons Intersyndicale sont une bouffée d’oxygène », analyse un travailleur social sous couvert d’anonymat, « mais ils ne remplaceront jamais une politique nationale cohérente pour les victimes de guerre. »
Alors que l’Intersyndicale prépare la distribution officielle aux bénéficiaires, une question lancinante persiste : jusqu’où peut s’étendre la solidarité populaire devant l’ampleur des déplacements forcés ? La vague de compassion katangaise ouvre une brèche d’espoir, mais elle rappelle cruellement que la paix reste l’unique solution durable. En attendant, dans les camps de déplacés du Nord-Kivu, des enfants nus attendent ces vêtements collectés à 1500 km de leur enfer quotidien.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net