« Il n’y a aucun suivi des agents de la SNEL après chaque inondation à Kinshasa. Ils oublient que nos vies sont suspendues à ce pylône ! » La voix tremblante de cet habitant de Kisenso résume l’angoisse qui étreint le quartier Kabila. Sous une pluie diluvienne ayant transformé les avenues en torrents, un pylône haute tension menace de s’effondrer, ses fondations rongées par une érosion monstre. Un symbole glaçant de la catastrophe qui a frappé la capitale dans la nuit du 14 juin.
Les rues de Kisenso, l’une des communes les plus touchées par cette inondation historique à Kinshasa, portent les stigmates de la furie des eaux. Ici, des maisons littéralement avalées par les ravines. Là, des avenues creusées comme des cicatrices profondes, notamment sur l’axe reliant la Route de la Paix au quartier Kabila. Le bilan officiel fait froid dans le dos : 29 morts recensés dans huit communes, selon Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre de l’Intérieur. Ngaliema paie le plus lourd tribut.
Mais à Kisenso, un autre drame se joue en silence. Le pylône de la SNEL, planté sur la colline surplombant des habitations, vacille dangereusement. « Regardez ces fissures autour des fondations, souffle une riveraine en montrant la base rongée par les eaux. Si ce monstre de métal s’écroule sur nos toits pendant la nuit… » La question reste en suspens, lourde de menaces. Pourquoi la Société nationale d’électricité ne surveille-t-elle pas ces infrastructures critiques en cette saison pluvieuse ?
Le gouvernement promet pourtant une réaction. Dans son communiqué, Shabani annonce l’assistance aux sinistrés et l’actualisation du plan de gestion des catastrophes. Mais sur le terrain, l’urgence est palpable. Des familles dorment à ciel ouvert, leurs biens emportés par les flots. Le bilan pluie en RDC s’alourdit d’année en année, transformant la saison sèche en cauchemar humain.
Comment expliquer cette pluie apocalyptique de 90 mm en plein mois de juin ? La METTELSAT pointe des vents anormaux en provenance du golfe de Guinée. « Nous vivons une saison sèche ‘femelle’ », précise l’organisme météo – un jargon technique pour désigner une période normalement arrosée. Une aberration climatique qui interroge : jusqu’où ira cette saison sèche aux allures de mousson ?
Derrière les chiffres du bilan officiel, c’est tout un système de prévention qui montre ses failles. L’érosion à Kisenso n’est pas une fatalité, mais le résultat de décennies d’urbanisation sauvage et de négligence. Alors que le pylône de la SNEL menace des vies, une autre question s’impose : combien de tragédies faudra-t-il pour que les alertes des habitants soient enfin entendues ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
