« Mon frère et ses trois enfants étaient dans la dernière pirogue. Les vagues les ont engloutis en quelques secondes », sanglote Joséphine, rencontrée au port de Bikoro. Son témoignage résume l’horreur qui a frappé le lac Tumba le 11 juin dernier, lorsque des intempéries violentes ont provoqué le naufrage de trois embarcations surchargées. À ce jour, le bilan officiel communiqué par le ministère de l’Intérieur fait froid dans le dos : 48 corps repêchés et inhumés dans la douleur, 46 survivants secourus in extremis, et 107 âmes encore portées disparues dans ces eaux troubles de la province de l’Équateur.
Comment une telle tragédie a-t-elle pu se produire dans cette région pourtant habituée aux caprices du lac ? Les premières investigations pointent des conditions météorologiques extrêmes – des vents violents et des vagues hautes de plusieurs mètres – qui ont pris par surprise les piroguiers. Mais au-delà de la fatalité climatique, des questions cruciales persistent : pourquoi ces barques motorisées naviguaient-elles sans équipement de sécurité minimal ? La surcharge des embarcations, pratique courante dans cette zone enclavée où le lac Tumba sert d’unique voie de transit, n’a-t-elle pas joué un rôle déterminant dans cette catastrophe de l’Équateur en RDC ?
Face à l’ampleur du désastre, le vice-Premier ministre Jacquemain Shabani a annoncé dimanche 15 juin le déploiement immédiat d’une mission interministérielle à Bikoro. Objectif affiché : coordonner les secours, évaluer les besoins humanitaires urgents et établir un état des lieux précis de cette inondation meurtrière dans la province de l’Équateur. Sur place, les communautés riveraines, déjà éprouvées par des inondations récurrentes, vivent un cauchemar éveillé. « Nous fouillons les berges chaque matin avec l’espoir de retrouver des survivants », confie un pêcheur local, les traits tirés par des nuits blanches de recherche.
Le gouvernement promet désormais de « renforcer les mécanismes de prévention des catastrophes » et d’« améliorer la résilience des populations vulnérables ». Des engagements qui sonnent creux pour beaucoup d’habitants de Bikoro, qui dénoncent l’absence chronique de systèmes d’alerte météo et le manque de contrôles sur la navigation. Cette catastrophe du lac Tumba n’est-elle pas le symptôme d’un abandon plus large des zones rurales congolaises, laissées sans protection face aux dérèglements climatiques ?
Alors que la mission interministérielle s’apprête à dresser le bilan définitif de ce naufrage, les familles des disparus tentent désespérément de collecter des fonds pour financer des recherches privées. Dans l’ombre de cette tragédie, c’est toute la vulnérabilité des transports lacustres en RDC qui est mise en lumière. Combien de drames évitables faudra-t-il encore pour que des mesures concrètes – bateaux sécurisés, gilets de sauvetage, surveillance météorologique – soient enfin déployées sur le lac Tumba et ailleurs ? La réponse des autorités déterminera si les leçons de Bikoro auront servi à prévenir de futures hécatombes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net