Dans une déclaration explosive sur les ondes de Top Congo FM, Jean-Pierre Bemba, vice-Premier ministre et ministre des Transports, a pointé l’ancien président Joseph Kabila comme l’architecte présumé d’une vaste entreprise de déstabilisation de la RDC. Selon ses accusations, Kabila serait le cerveau derrière les rébellions armées du M23 et de l’AFC – qu’il associe au Rwanda voisin – ainsi que des milices Mobondo dont les violences ensanglantent plusieurs provinces de l’ouest. Une charge qui, si elle venait à être étayée, ébranlerait les fondements mêmes de la stabilité congolaise.
Bemba ne s’est pas arrêté à l’ancien chef de l’État. Dans sa croisade verbale, il a élargi le cercle des accusés à Moïse Katumbi, l’opposant charismatique et ex-gouverneur du Katanga, ainsi qu’à certains membres influents de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Leur crime supposé ? Avoir fomenté un complot visant à éliminer physiquement le président Félix Tshisekedi et à renverser les institutions démocratiques. Cette escalade rhétorique interroge : jusqu’où la classe politique congolaise peut-elle instrumentaliser les tensions sécuritaires à des fins de règlements de comptes ?
La cible choisie contre la CENCO, institution religieuse traditionnellement perçue comme un médiateur neutre mais récemment critique envers le pouvoir, révèle une stratégie politique calculée. En associant l’opposition religieuse à des manœuvres de déstabilisation nationale, Bemba semble chercher à délégitimer toute voix discordante, transformant le paysage politique en un champ de bataille où la dissidence devient synonyme de trahison. Une tactique risquée qui pourrait accélérer la polarisation dans un contexte de conflit politique déjà tendu.
Les implications de ces accusations résonnent bien au-delà des simples invectives. En évoquant des liens entre Kabila, le Rwanda et les rébellions à l’est – notamment la rébellion M23 en plein regain d’activité –, le ministre alimente un récit de menace existentielle pour la souveraineté congolaise. Les milices Mobondo, dont les attaques sporadiques dans le Kwango et le Kwilu ont causé des centaines de déplacés, servent ici d’argument spectaculaire pour justifier la fuite de Kabila à l’étranger. Mais ce storytelling manichéen suffira-t-il à convaincre une population lassée par les guerres par procuration ?
À travers ce réquisitoire médiatique, Bemba dessine les contours d’une stratégie du chaos attribuée à ses rivaux. En présentant le gouvernement comme une forteresse assiégée par des forces internes et externes, il tente de rallier l’opinion autour du camp présidentiel. Mais cette offensive verbale comporte des risques majeurs : elle sape la crédibilité des institutions et pourrait exacerber les fractures dans des régions déjà minées par les milices. Alors que la RDC traverse une période critique, la surenchère accusatoire remplacera-t-elle l’impératif de dialogue national ? L’avenir immédiat dira si ces allégations enflammeront les tensions ou serviront de prélude à des poursuites judiciaires.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd