Une rencontre d’une intensité rare s’est déroulée ce vendredi 13 juin à Goma, épicentre de la crise sécuritaire dans l’est de la République Démocratique du Congo. Pendant près de dix heures, des représentants de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Congo (MONUSCO) et des cadres de la rébellion du M23 se sont affrontés dans des discussions serrées. L’ordre du jour officiel n’a pas été dévoilé, mais l’importance des délégations et la durée exceptionnelle des échanges laissent présager des débats cruciaux sur la militarisation du Nord-Kivu.
En fin de journée, seule la représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU, Bintou Keita, s’est adressée aux médias. Son intervention laconique a décrit une rencontre d'”écoute et d’échange”. Des propos mesurés qui contrastent avec la gravité du contexte évoqué : “Je suis venue à Goma dans un esprit d’écoute et d’échange. Cette visite intervient à un moment critique, dans un contexte de tensions persistantes”, a-t-elle déclaré, faisant référence à son prochain briefing devant le Conseil de sécurité des Nations Unies prévu le 27 juin.
Cette réunion marque un tournant symbolique : il s’agit du premier dialogue formel entre l’ONU et les rebelles depuis la prise de contrôle de Goma par le M23 fin janvier dernier. La cheffe de la MONUSCO a insisté sur la continuité des “efforts conjoints” engagés depuis plusieurs mois, sans toutefois préciser si des avancées concrètes avaient été obtenues lors de ces pourparlers sécurité à Goma.
Plusieurs observateurs relient la tenue de cette réunion Monusco-M23 au calendrier diplomatique international. Dans moins de deux semaines, Bintou Keita devra présenter un rapport exhaustif sur la crise est RDC devant le Conseil de sécurité. Puis en septembre, l’Assemblée générale des Nations Unies à New York placera la situation congolaise sous les projecteurs mondiaux. Cette séquence explique-t-elle l’urgence soudaine des négociations ?
Les questions demeurent nombreuses sur le contenu réel des discussions. Des sources militaires locales évoquent des points de friction persistants : le désengagement des combattants, le contrôle des axes routiers stratégiques et le sort des populations civiles prises au piège dans les zones de conflit Nord-Kivu. L’opacité entourant ces échanges nourrit les spéculations sur une possible médiation élargie.
Cette réunion intervient alors que les violences persistent dans les territoires de Rutshuru et Masisi. Des attaques ciblées contre des positions de l’armée congolaise ont été rapportées dans les 48 heures précédant les négociations. Le timing interroge : s’agit-il d’une coïncidence ou d’une tentative de pression militaire parallèle aux pourparlers ?
La déclaration de Bintou Keita résonne comme un avertissement solennel. En qualifiant la situation de “critique”, la diplomate onusienne reconnaît implicitement l’échec relatif des mécanismes de stabilisation déployés jusqu’à présent. Son appel à l'”écoute” suggère-t-il une nouvelle approche face au conflit Nord-Kivu ? Les prochaines heures seront déterminantes pour décrypter les implications réelles de ce dialogue inédit.
Le bilan immédiat reste nuancé. Aucune déclaration commune n’a été publiée, aucun calendrier de nouvelles rencontres n’a été annoncé. Pourtant, le simple fait que les belligérants acceptent de s’asseoir face à face constitue en soi un développement notable. La communauté internationale attend désormais des actes concrets pour transformer ces heures de discussion en avancées tangibles sur le terrain.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd