Les lampions de la douzième Conférence des Gouverneurs se sont éteints à Kolwezi dans une atmosphère où les promesses sanitaires se heurtent aux réalités financières provinciales. Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a transformé ce conclave constitutionnel en tribune pour un ultimatum budgétaire : exiger 15% des ressources provinciales annuelles dédiées à la Couverture Santé Universelle (CSU). Une injonction qui résonne comme un aveu implicite des carences du système, alors que moins de 4% des Congolais bénéficient d’une protection maladie complète.
Dans son discours de clôture, le président a martelé l’urgence de la lutte contre le VIH/SIDA pédiatrique en RDC, où près de 100 000 enfants vivent avec le virus sans accès systématique aux antirétroviraux. « Votre responsabilité est aujourd’hui de faire de la CSU une priorité absolue », a-t-il lancé aux gouverneurs, soulignant que cette allocation budgétaire contraignante constituait « la seule voie pour transformer la santé d’un privilège en droit fondamental ». Un discours qui place soudainement les exécutifs provinciaux devant leurs contradictions, entre autonomie financière et dépendance aux transferts de Kinshasa.
Cette offensive sanitaire intervient dans un contexte sécuritaire délétère, que Tshisekedi n’a pas occulté. Face à la guerre d’agression rwandaise via le M23 dans l’Est, le chef de l’État a brandi la menace des divisions internes : « À l’heure où notre pays affronte une agression, nous ne pouvons nous permettre le luxe des luttes intestines ». Un avertissement cinglant aux assemblées provinciales tentées par des motions de défiance, dans un pays où trois gouverneurs ont été démis en 2024 par leurs parlements locaux. La décentralisation, consacrée par l’article 200 de la Constitution, semble ainsi vaciller entre autonomie gestionnaire et centralisme d’urgence.
Le cadre légal de cette Conférence, régi par la Loi organique n°08/015, prévoit pourtant un dialogue équilibré entre le pouvoir central et les entités décentralisées. Mais le décalage est frappant entre l’idéal de libre administration des provinces et la réalité des budgets asphyxiés. Comment concilier le financement d’une Couverture Santé Universelle ambitieuse avec la baisse de 30% des recettes minières au Lualaba, hôte de l’événement ? La question reste en suspens, alors que le gouvernement central conditionne son appui à une « responsabilisation » préalable des provinces.
La véritable innovation de cette session réside dans son approche territorialisée de la santé publique. Les « stratégies concrètes et adaptées » évoquées par Tshisekedi reconnaissent implicitement l’échec des modèles uniformes. Dans le Kasaï où les infrastructures sanitaires sont rares, la priorité ira aux centres de proximité, tandis que le Nord-Kivu misera sur la prise en charge des traumatismes de guerre. Cette différenciation provinciale sera-t-elle le ferment d’une décentralisation effective ou un alibi pour les retards cumulés ? L’avenir le dira, mais le président mise visiblement sur cette Conférence pour relancer son programme phare de Couverture Santé Universelle avant la fin de son mandat.
Reste que le spectre du VIH pédiatrique plane sur ces engagements. Alors que la RDC enregistre 9 000 nouvelles infections infantiles annuelles, la faiblesse des systèmes de dépistage et la pénurie de traitements pédiatriques illustrent l’ampleur des défis. L’injonction présidentielle à « une protection digne et équitable » pour les enfants sonne comme un constat d’échec des politiques précédentes. La décentralisation des programmes de santé, souvent invoquée comme solution, bute sur l’absence de mutualisation des compétences médicales entre provinces. Le prochain test concret interviendra lors de l’examen des lois de finances provinciales en septembre 2025 : les gouverneurs oseront-ils déroger aux dépenses sécuritaires pour honorer les 15% sanitaires ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd