Trois années se sont écoulées depuis la chute de Bunagana aux mains du mouvement rebelle du 23 mars (M23). Cette cité stratégique du territoire de Rutshuru, à 100 km de Goma, reste un symbole criant de la crise sécuritaire qui ronge le Nord-Kivu. Le prix Nobel de la paix Denis Mukwege a rompu le silence ce jeudi dans un communiqué cinglant, pointant du doigt Kigali et Kinshasa.
« La souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la RDC sont violées depuis trois ans par le Rwanda », accuse le gynécologue. Il dénonce un mépris « arrogant » de la charte des Nations Unies, permettant selon lui « des ambitions expansionnistes » et un « pillage à grande échelle des minerais stratégiques congolais ». Une situation qui perdurerait dans « l’indifférence complice de la communauté internationale ».
Derrière l’occupation de Bunagana, poste frontalier clé avec l’Ouganda, se cache une réalité humaine dramatique. Mukwege évoque des populations locales soumises à un « régime d’exploitation et de prédation ». Des témoignages recueillis par nos sources décrivent des violations systématiques des droits humains : travail forcé dans les mines, extorsions quotidiennes, et déplacements massifs de civils fuyant les exactions. Comment justifier trois ans d’impunité pour ces crimes ?
Le conflit Nord-Kivu a pris une dimension régionale alarmante. Les rebelles, soutenus militairement selon les experts de l’ONU, ont étendu leur emprise bien au-delà de Bunagana. Après avoir menacé Goma en janvier dernier, le M23 contrôle désormais plusieurs localités du Sud-Kivu, dont des zones périphériques de Bukavu. Une progression méthodique qui interroge sur l’efficacité des forces gouvernementales.
Denis Mukwege fustige l’inaction des autorités congolaises : « L’absence de réforme du secteur sécuritaire et d’assainissement de la fonction publique alimente cette catastrophe ». Le manque de « stratégie holistique de justice transitionnelle » serait, selon lui, coresponsable de la dégradation humanitaire. Des accusations qui résonnent comme un réquisitoire contre la gestion de la crise par Kinshasa.
La persistance de l’occupation Bunagana illustre l’enlisement du conflit. Les tentatives de dialogue ont échoué à désamorcer les tensions entre la RDC et le Rwanda, ce dernier niant toute implication malgré les preuves accablantes des groupes d’experts onusiens. Les minerais continueraient de transiter illégalement via ce corridor, finançant l’effort de guerre rebelle.
Trois années. Trente-six mois de souffrance pour les Congolais du Nord-Kivu. L’occupation du M23 à Bunagana n’est plus seulement un fait militaire, mais le symptôme d’un échec politique régional. Alors que les rebelles consolident leur emprise, la communauté internationale restera-t-elle spectatrice ? La question hante les survivants, abandonnés dans l’impasse de la realpolitik.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd