Lors de la 12e session de la conférence des gouverneurs à Kolwezi, une déclaration du ministre Patrick Muyaya a jeté un pavé dans la mare des priorités étatiques. Comparant la communication à la sécurité, le ministre de la Communication et Médias a instauré un nouveau paradigme dans la gestion des crises congolaises. Cette analogie provocante, proférée le 12 juin 2025, pourrait bien reconfigurer l’architecture administrative de la RDC.
Dans un contexte où le pays navigue entre conflits armés et catastrophes naturelles, Muyaya a martelé avec une insistance particulière : « La communication est comme la sécurité ». Cette équation audacieuse soulève une question fondamentale : les gouverneurs provinciaux, traditionnellement focalisés sur les questions sécuritaires, sont-ils prêts à intégrer ce nouveau front dans leur gouvernance ? Le ministre a précisé que tout comme les stratégies militaires, la communication doit obéir à des « lignes tracées » dont on ne s’écarte pas.
L’ombre de la pandémie de Covid-19 plane sur ce plaidoyer. Avec une pointe d’amertume, Patrick Muyaya a rappelé que « nous aurions pu épargner des vies » avec une communication mieux orchestrée. Cet aveu implicite d’échecs passés sert habilement de caution à son projet ambitieux : créer un circuit national d’information unifié. La proposition phare ? Implanter des radios dans chacun des 145 territoires du Congo, ces maillons faibles du tissu informationnel national.
Les médias publics, notamment la RTNC et l’ACP, se voient assigner un rôle central dans cette refonte. Le ministre a annoncé leur modernisation pour mieux couvrir les réalités des 26 provinces. Mais derrière cette volonté affichée de transparence se profile un autre chantier : l’harmonisation visuelle du pouvoir via l’adoption d’une charte graphique gouvernementale. « La redevabilité passe aussi par la communication », a-t-il affirmé, glissant subrepticement que l’image unifiée de l’État participe de sa légitimité.
Cette vision d’une communication coordonnée en RDC soulève pourtant des défis colossaux. Comment garantir l’indépendance éditoriale de ces futures radios locales ? Les budgets provinciaux suffiront-ils à cette mutation ? Et surtout, cette centralisation ne risque-t-elle pas d’étouffer les spécificités régionales ? Le ministre joue sa crédibilité sur ce virage communicationnel dont l’échec pourrait exacerber les fractures qu’il prétend combler.
La conférence de Kolwezi aura donc servi de tribune à une refonte en profondeur de la stratégie étatique. Reste à savoir si les gouverneurs, souvent jaloux de leurs prérogatives locales, adhéreront à cette doctrine qui place soudainement les journalistes au rang de premiers répondants des crises nationales. L’avenir dira si cette communication « sécuritaire » deviendra le rempart contre la désinformation ou un nouvel instrument de contrôle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Eventsrdc