Les cris d’effroi ont résonné dans la nuit du mercredi 11 juin à Kananga, lorsque des flammes voraces ont englouti une station d’essence en plein centre-ville. Jean Kabasele, témoin oculaire, se remémore encore l’odeur âcre du carburant qui se mêlait aux crépitements sinistres : « C’était un enfer. Les pompes ont explosé comme des torches, et en une heure, tout n’était plus que fumée et tôles tordues. » Cette scène apocalyptique soulève une question brûlante : comment un tel drame a-t-il pu se produire au cœur d’une cité densément peuplée du Kasaï-Central ?
Selon des sources locales, l’incendie de Kananga trouverait son origine dans une opération de ravitaillement routinère. Un camion-citerne, stationné pour approvisionner les réservoirs souterrains, aurait provoqué une étincelle fatale. En quelques minutes, le feu s’est propagé avec une violence inouïe, dévorant pompes à essence, bâtiments annexes et véhicules alentour. Les riverains, réveillés en sursaut, ont assisté impuissants à la métamorphose du lieu en un brasier incontrôlable.
Malgré l’absence de pertes humaines, les dégâts matériels s’avèrent colossaux. La station, propriété d’un homme d’affaires influent de la région, est réduite à un amas de ferraille carbonisée. Les impacts économiques sont déjà palpables : pénuries de carburant, perturbations du transport artisanal, et des commerces voisins endommagés par la chaleur irradiante. « Cette station alimentait des centaines de mototaxis chaque jour. Aujourd’hui, c’est toute une chaîne de survie qui est rompue », déplore Sylvie Tshibangu, gérante d’une échoppe attenante.
L’intervention des secours, elle, cristallise les lacunes criantes en matière de sécurité urbaine. Un véhicule anti-incendie n’a pu atteindre les lieux qu’une heure après le début du sinistre. Trop tard. Face à l’intensité des flammes, les pompiers se sont contentés de sécuriser la zone, impuissants à sauver l’infrastructure. Ce retard pose un sérieux problème : pourquoi une ville comme Kananga, capitale provinciale, ne dispose-t-elle pas de moyens d’urgence adaptés aux risques industriels ?
Derrière ce drame, c’est tout le système de prévention des risques liés au carburant en RDC qui est mis à nu. Les stations-service, souvent construites sans études d’impact environnemental, jouxtent des habitations précaires. Les normes de sécurité lors du ravitaillement par camion-citerne restent aléatoires, comme en témoignent des procédures fréquemment bâclées. « Ce n’est pas un incident isolé, mais un signal d’alarme », analyse le sociologue urbain Patrick Mbuyi. « Combien de fois faudra-t-il voir des vies menacées avant que des audits obligatoires ne soient imposés ? »
L’incendie de Kananga révèle ainsi une double vulnérabilité : celle des infrastructures énergétiques congolaises et celle des populations riveraines. Alors que les autorités promettent une enquête, les habitants s’interrogent sur l’avenir. Sans réglementation stricte et sans équipements de secours modernes, comment éviter que cette tragédie ne se répète ailleurs ? La sécurité carburant n’est pas qu’une question technique – c’est un enjeu de justice sociale pour des milliers de Congolais exposés quotidiennement au danger.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net