La Société nationale d’électricité (SNEL) traverse-t-elle sa pire crise financière depuis des décennies ? Cette interrogation plane après la réunion cruciale tenue mardi entre le directeur général Fabrice Lusinde et les députés de la commission Aménagement du Territoire et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (ATI-NTIC). Sous le prétexte du contrôle parlementaire, cette rencontre a révélé l’ampleur des déficits qui menacent la stabilité énergétique nationale.
« Nous sommes au service de l’État », a martelé Lusinde, dans une déclaration aussi protocolaire que révélatrice des tensions sous-jacentes. Le dirigeant a exposé sans fard un tableau économique alarmant : 73 millions de dollars évaporés au premier trimestre 2025, dont 50% directement imputables aux impayés de l’État. Ces chiffres, comparables à une hémorragie financière, sapent les programmes d’assainissement pourtant jugés prioritaires. Comment une entreprise publique peut-elle fonctionner quand son principal actionnaire – l’État – est aussi son premier débiteur ?
L’analyse des difficultés organisationnelles pointe vers un cercle vicieux : le déficit de recettes paralyse l’importation d’équipements techniques, retardant les chantiers d’infrastructures. Le directeur général a souligné avec une ironie amère que « ce manque à gagner ne permet pas d’acheter les matériels qu’il faut ». Une litote qui cache mal l’urgence des mesures requises. Les députés, garants des doléances électorales, ont-ils saisi l’acuité de cette crise financière SNEL ?
L’enjeu central réside désormais dans la demande de dotation budgétaire RDC formulée par Lusinde. Ce plaidoyer cible spécifiquement les factures impayées de la Regideso – un contentieux récurrent qui pèse comme une hypothèque sur la trésorerie. « Une petite enveloppe » selon les termes du DG, mais dont l’absence condamnerait la SNEL à une paralysie technique croissante. Les députés commission ATI-NTIC se retrouvent dans une position délicate : arbitrer entre les exigences de leurs électeurs et les réalités comptables d’une entreprise en asphyxie.
Cette séance de travail, présentée comme une « étape clé », cache-t-elle une impuissance politique ? Les pertes SNEL 2025 s’accumulent à un rythme effréné : 23 millions en janvier, 14 en février, 18 en mars. Face à cette spirale infernale, les promesses de « collaboration continue » risquent de sonner creux sans engagement budgétaire concret. L’État congolais parviendra-t-il à sortir de son paradoxe : exiger un service public performant tout en en étouffant financièrement le prestataire ?
La balle est désormais dans le camp des législateurs. Leur capacité à transformer ce dialogue en mesures concrètes déterminera si cette rencontre historique restera un vœu pieux ou deviendra le tournant salvateur pour le secteur énergétique national. Car derrière les chiffres et les mécanismes techniques, c’est l’accès même des Congolais à l’électricité qui se joue dans ce dossier.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net