Dans les rues poussiéreuses d’Uvira, au Sud-Kivu, des enfants aux yeux cernés fouillent les déchets tandis que leurs parents tentent de construire des abris de fortune. Ces images déchirantes illustrent le quotidien des 1500 ménages déplacés recensés par la Nouvelle société civile, fuyant l’offensive des rebelles du M23 depuis février dernier. Venus principalement de Bukavu, Kamanyola et Sangede, ces familles survivent sans eau potable, sans nourriture suffisante et sans accès aux soins médicaux de base.
« Nous avons dormi à la belle étoile pendant des semaines avant de trouver ce bout de terrain », témoigne Mukwege, père de quatre enfants, en montrant son abri fait de bâches trouées. Comme lui, des milliers de personnes se retrouvent piégées dans une crise humanitaire invisible, alors que les combats continuent de rugir à quelques centaines de kilomètres. Comment expliquer que ces victimes de la guerre soient ainsi abandonnées ?
La Nouvelle société civile du Sud-Kivu tire la sonnette d’alarme après des évaluations partielles révélant l’ampleur des besoins non couverts. Paradoxalement, ces déplacés ne figurent même pas dans les plaidoyers humanitaires provinciaux. Pourtant, les délégations gouvernementales se succèdent à Uvira – la dernière en date étant venue réconforter les sinistrés des inondations à Fizi. Mais aucune n’a daigné s’arrêter dans ces camps de fortune où s’entassent les familles traumatisées par les violences du M23.
« Les autorités traversent notre calvaire comme si nous étions invisibles », déplore une mère de famille rencontrée près du marché central, serrant contre elle un enfant fiévreux. Cette négligence crève les yeux alors que la société civile locale a formellement demandé aux instances provinciales : une évaluation urgente des besoins des déplacés, des retournés et des familles hôtes ; la traduction de ces besoins en projets concrets ; et surtout, une communication transparente avec les acteurs locaux.
La situation met en lumière un système d’aide aux déplacés en RDC grippé à tous les niveaux. Comment justifier que dans une région riche en ressources, des enfants meurent de malnutrition à quelques kilomètres des bureaux climatisés où se prennent les décisions ? La crise d’Uvira symbolise ce fossé grandissant entre Kinshasa et les réalités du terrain. Alors que les rebelles du M23 continuent leur progression, cette négligence pourrait alimenter un cycle infernal de vulnérabilité et de conflits.
En attendant, chaque jour apporte son lot de souffrances supplémentaires : des femmes accouchent sans assistance médicale, des épidémies de choléra menacent, et la promiscuité favorise les violences sexuelles. Face à cette urgence, la société civile de Bukavu et d’Uvira réclame une mobilisation immédiate. Sans réponse concrète, ces 1500 ménages risquent de devenir les visages anonymes d’une tragédie annoncée dans le Sud-Kivu.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd