L’année 2025 s’annonce comme un test crucial pour la démocratie en Afrique avec sept élections présidentielles prévues, dont cinq concentrées dans des pays francophones aux processus électoraux fortement contestés. De la Côte d’Ivoire au Cameroun en passant par la Centrafrique, ces scrutins cristallisent des tendances inquiétantes : verrouillage constitutionnel, exclusion systématique de l’opposition et ingérence militaro-politique. Cette configuration inédite interroge-t-elle l’avenir même des processus électoraux africains?
En Côte d’Ivoire, le scrutin d’octobre 2025 se prépare dans un climat de défiance institutionnelle. La Commission électorale indépendante (CEI) a définitivement exclu quatre figures majeures de l’opposition dont Tidjane Thiam et Guillaume Soro, invoquant des motifs juridiques controversés. Cette décision intervient alors que le président Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, n’exclut pas de briguer un quatrième mandat. Le financement intégral des élections par l’État ivoirien (85 millions d’euros) sans appui international accroît les craintes de partialité dans un pays marqué par des violences post-électorales récurrentes. Ces Côte d’Ivoire élections illustrent le paradoxe des démocraties africaines : des institutions formellement indépendantes mais soumises à l’arbitraire présidentiel.
Le Cameroun de Paul Biya, doyen des présidents africains au pouvoir depuis 1982, s’apprête à vivre une élection-prédation en octobre 2025. Le régime a verrouillé le processus par une réforme constitutionnelle abolissant la limitation des mandats en 2008, permettant à l’octogénaire de se représenter pour un huitième mandat. Face à ce scénario figé, l’opposition tente une contre-offensive inédite en mobilisant 60 000 scrutateurs citoyens pour surveiller les 28 000 bureaux de vote. Cette initiative portée par Abdouraman Babba vise à contrer les fraudes massives qui ont marqué les précédents scrutins, notamment lors de l’élection de 2018 ayant entraîné l’emprisonnement du candidat Maurice Kamto. Cette Cameroun politique sous tension révèle une société civile déterminée à imposer des garde-fous démocratiques.
La Centrafrique illustre quant à elle le piège des transitions prolongées. Le président Touadéra, arrivé au pouvoir en 2016, prépare un troisième mandat controversé grâce à un amendement constitutionnel adopté avec l’appui des mercenaires russes de Wagner. Les élections locales de juillet 2025, premières depuis l’indépendance, se heurtent à des retards chroniques et à une insécurité persistante malgré la présence de la MINUSCA. La communauté internationale observe avec inquiétude cette dérive autocratique où la légitimité électorale cède le pas à la realpolitik sécuritaire.
Le cas togolais incarne une mutation subtile des autocraties électorales. Par une réforme constitutionnelle adoptée en mars 2024, Faure Gnassingbé a transformé le régime en système parlementaire où le président du Conseil des ministres – fonction qu’il occupera – détient l’essentiel du pouvoir exécutif. Ce tour de passe-passe institutionnel permet à la dynastie Gnassingbé, au pouvoir depuis 1967, de se perpétuer sans consultation populaire directe. Les législatives d’avril 2024 ayant donné 108 sièges sur 113 au parti présidentiel, l’élection présidentielle indirecte de mai 2025 n’est qu’une formalité protocolaire.
Ces mécanismes de confiscation du pouvoir s’accompagnent d’une répression accrue contre les oppositions. En Tanzanie, le parti Chadema a été exclu pour cinq ans du processus électoral pour avoir refusé de signer un code de conduite déséquilibré. Au Mali et au Niger, les juntes militaires ont purement supprimé les élections en instaurant des transitions de cinq ans par chartes constitutionnelles. Cette tendance lourde affecte particulièrement l’Afrique francophone où sept des dix élections prévues en 2025 concentrent les plus graves entorses démocratiques.
Pourtant, des lueurs d’espoir subsistent. Aux Seychelles, l’élection de septembre 2025 pourrait confirmer l’enracinement démocratique initié en 2020 avec l’alternance historique vers Wavel Ramkalawan. Le pays affiche le meilleur indice de perception de la corruption en Afrique (20e mondial) grâce à des réformes anticorruption drastiques. Au Malawi, l’opposition tente de constituer une alliance pluripartite pour contrer le pouvoir en place, preuve que la compétition électorale reste vivace dans certains États.
L’analyse géopolitique révèle un double standard international préoccupant. Alors que l’Union africaine suspend systématiquement les régimes issus de coups d’État, elle reste étonnamment silencieuse face aux manipulations constitutionnelles en Côte d’Ivoire ou au Cameroun. La Russie, par le biais du groupe Wagner, profite de ces failles pour étendre son influence dans les zones minières stratégiques. L’Occident, quant à lui, privilégie la stabilité sécuritaire au détriment des principes démocratiques, notamment dans la lutte contre le terrorisme sahélien.
Ces scrutins 2025 révèlent une Afrique à deux vitesses : d’un côté des régimes qui instrumentalisent le droit pour assoir leur domination, de l’autre des sociétés qui inventent des contre-pouvoirs innovants. L’enjeu dépasse les simples alternances politiques – il concerne la capacité du continent à définir sa propre grammaire démocratique, entre héritage colonial et aspirations populaires. La réponse internationale, tiraillée entre principe de souveraineté et défense des droits humains, devra éviter les doubles standards qui minent sa crédibilité. Les élections Afrique 2025 seront-elles le point de bascule vers une nouvelle ère autoritaire ou le sursaut des forces démocratiques?
Article Ecrit par Cédric Botela