« Plaider pour la fin de la guerre » : la supplique du gouverneur Evariste Kakule Somo résonne encore dans la salle de Beni, épicentre d'une nouvelle offensive pour la paix. Mardi 3 juin, cette ville martyre du Nord-Kivu devenait le symbole d'un espoir renaissant avec le lancement officiel de la deuxième phase des projets Nashiriki Kwa Masikilizano. Sous le regard des ambassadeurs européens, une enveloppe de 1,5 million d'euros est débloquée pour dix mois d'actions ciblées en Ituri et au Nord-Kivu. Mais comment transformer ces financements UE RDC en paix tangible pour des populations meurtries ?
Georges Wanyu, directeur du consortium pour la Cohésion sociale, précise la feuille de route : « Nashiriki Kwa Masikilizano vise à stabiliser les communautés par la promotion de la cohésion sociale. Nous renforcerons les capacités des autorités administratives, coutumières et des leaders civils. » Un maillage essentiel dans ces régions où la méfiance envers les institutions alimente les cycles de violence. Le projet s'articule autour d'un triptyque : médiation locale, résilience communautaire et empowerment des structures traditionnelles. Des mécanismes qui ont fait leurs preuves lors de la première phase mais qui doivent désormais s'adapter à l'escalade sécuritaire récente.
Le gouverneur Somo, dans son allocution, a martelé l'urgence d'une action internationale concrète : « La population attend impatiemment l'application coercitive de la résolution 2773 de l'ONU. » Un appel direct aux diplomates européens présents, alors que les groupes armés étendent leur emprise. Cette pression politique s'accompagne d'un défi opérationnel de taille : comment les organisations impliquées – Conseil norvégien pour les réfugiés, International Alert, Search For Common Ground et Ebuteli – parviendront-elles à déployer leurs équipes dans des zones toujours plus enclavées par l'insécurité ?
La réconciliation Nord-Kivu passe par un travail de fourmi. Dans les territoires de Djugu et de Beni, les animateurs terrain le savent bien : chaque atelier de médiation, chaque dialogue intercommunautaire est une bataille contre la méfiance ancestrale. Le programme mise sur l'intégration des chefs coutumiers, gardiens de la mémoire collective, et sur la formation de jeunes relais communautaires. Une approche bottom-up qui contraste avec les échecs passés des macro-initiatives de paix. Mais le calendrier serré – seulement dix mois – soulève des interrogations. Peut-on reconstruire la cohésion sociale Est RDC à coups de projets ponctuels ?
L'enjeu dépasse la simple pacification. Derrière les projets paix Ituri se profile une course contre la montre pour éviter l'effondrement définitif du tissu social. Les femmes de Bunia, premières victimes des violences sexuelles, attendent des espaces sécurisés pour témoigner. Les jeunes de Goma réclament des alternatives concrètes à l'enrôlement forcé. Si Nashiriki Kwa Masikilizano (« Je participe à la réconciliation » en swahili) porte une ambition louable, sa réussite dépendra de sa capacité à transformer l'essai sur un terrain miné par des décennies de conflits. L'Europe a ouvert son portefeuille, mais la balle est désormais dans le camp des acteurs locaux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net