L’ultime ligne droite du projet hydroélectrique Ruzizi III s’ouvre enfin. Lors du Conseil des ministres du 30 mai 2025 présidé par Félix-Antoine Tshisekedi, le ministre des Ressources hydrauliques Teddy Lwamba a confirmé l’imminence de la clôture financière de cette infrastructure stratégique. Ce jalon décisif, prévu au 30 septembre 2025, nécessitera la signature d’un quatrième avenant pour mobiliser les fonds capitaux. Comment cette centrale de 206 mégawatts transformera-t-elle le paysage énergétique des Grands Lacs ?
Porté par Électricité des Grands Lacs (EGL), bras technique de la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), le projet Ruzizi III incarne l’ambition régionale. D’un coût de 800 millions de dollars américains, il sera implanté sur la rivière éponyme, entre Nyangezi et Kamanyola au Sud-Kivu. Selon Mohsin Tahir, directeur du projet, cette infrastructure triple frontière (RDC, Rwanda, Burundi) représente un « investissement transformateur » pour une région où seulement 15% de la population a accès à l’électricité.
Le financement Ruzizi III repose sur un partenariat public-privé inédit. La Banque Africaine de Développement pilote un consortium incluant la Banque Mondiale, la KfW allemande et l’Union Européenne. Cet écosystème financier illustre la confiance des bailleurs dans ce projet énergétique CEPGL, dont les retombées économiques sont estimées à 2,3 milliards de dollars sur vingt ans. La centrale, véritable colonne vertébrale électrique, pourrait réduire de 30% le coût moyen du kilowattheure dans la région.
L’historique partagé donne une dimension symbolique à cette coopération. Comme l’a rappelé le président burundais Évariste Ndayishimiye : « Avant l’indépendance en 1958, nous avions déjà en commun une centrale sur la Ruzizi. Ce troisième barrage est le cordon ombilical de notre intégration ». Après les études de faisabilité finalisées fin 2024, le processus de sélection de l’entreprise constructrice est désormais engagé pour un démarrage des travaux en 2026.
Les défis restent pourtant palpables. La sécurisation finale des fonds via l’avenant n°4 constitue le dernier rempart avant le chantier. Parallèlement, la stabilité politique du Sud-Kivu, épicentre du projet, conditionnera son calendrier. Mais l’urgence est tangible : avec une demande énergétique régionale croissant de 8% annuellement, Ruzizi III comblera 40% du déficit actuel en électricité Grands Lacs. Cette centrale ne sera-t-elle pas le catalyseur d’une nouvelle dynamique économique transfrontalière ?
Les impacts dépasseront largement le secteur énergétique. L’AFD prévoit la création de 1 200 emplois directs pendant la construction, tandis que l’industrialisation de la province du Sud-Kivu devrait s’accélérer. Pour Teddy Lwamba, « chaque mégawatt produit sera un pas vers l’autonomie manufacturière de notre région ». Avec une production équivalente à 1,2 million de barils de pétrole annuels évités, le projet s’inscrit également dans la transition écologique africaine.
À l’horizon 2030, Ruzizi III pourrait interconnecter les réseaux électriques de trois nations, réduisant les coûts logistiques de 25% selon la CEPGL. Ce barrage devient ainsi le test décisif de l’intégration économique des Grands Lacs – un laboratoire où se joue l’avenir énergétique du continent.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd