Comment assurer la continuité éducative quand les enseignants eux-mêmes ne peuvent plus subvenir à leurs besoins fondamentaux ? C’est la question brûlante qui se pose dans le territoire de Mwenga, où une grève sèche paralyse depuis le 25 mai la Province Éducationnelle Sud-Kivu 3. Près de quatre mois de salaires impayés – février, mars et avril 2025 – ont poussé les enseignants à ce mouvement radical, plongeant près de 200 écoles dans l’incertitude.
Dans une déclaration adressée à Caritas Uvira, organisme chargé de la paie, les syndicats dépeignent une situation de détresse sociale alarmante :
“Cette situation préjudicie très gravement la vie socioprofessionnelle des enseignants qui ne savent plus subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles depuis plusieurs mois”
. L’accumulation des arriérés de salaire à Mwenga n’est pas un simple retard administratif, mais une crise humanitaire silencieuse qui frappe des centaines de foyers.
La grogne enseignante prend une tournure critique avec l’approche des examens certificatifs. L’intersyndical a en effet brandi la menace d’une perturbation en chaîne : boycott des préliminaires de l’EXETAT (Examen d’État), du TENASOSP (Test National de Sélection et d’Orientation Scolaire et Professionnelle) et de l’ENAFEP (Examen National de Fin d’Études Primaires).
“Nous décidons de perturber la passation des épreuves […] en demandant aux surveillants de ne pas se présenter aux centres”
, préviennent-ils. Une décision lourde de conséquences pour des milliers d’élèves dont l’avenir scolaire se joue dans les prochaines semaines.
La société civile locale, par la voix de ses faîtières, monte au créneau pour dénoncer des pratiques inacceptables :
“Nous condamnons les pressions exercées par la SECOPE et certaines Coordinations catholiques, et appelons à la fin immédiate de toute forme d’intimidation contre les enseignants”
. Des témoignages font état de pressions hiérarchiques sur les grévistes, exacerbant un climat déjà tendu. Le bras de fer dépasse ainsi la simple revendication salariale pour toucher à l’éthique éducative.
Au cœur des tensions, le rôle de Caritas Uvira est pointé du doigt. Les enseignants exigent que l’organisme
“remplisse sa part du contrat signé par le gouvernement congolais”
. La société civile enfonce le clou en réclamant un paiement
“immédiat, intégral et sans condition”
. Comment expliquer ce dysfonctionnement persistant dans le circuit de rémunération ? Les observateurs évoquent des lacunes structurelles dans la gestion déléguée des fonds éducatifs.
Avec les examens hors session de l’Exetat démarrant le 2 juin, la crise des salaires impayés à Mwenga prend une dimension d’urgence nationale. Les établissements secondaires risquent de devenir le théâtre d’un gâchis éducatif sans précédent dans le Sud-Kivu. Les enseignants, entre précarité extrême et devoir moral, vivent un déchirement professionnel qui reflète les failles profondes du système. Peut-on encore parler de droit à l’éducation quand ceux qui le dispensent sont réduits à l’impuissance économique ?
L’impasse actuelle pose une question fondamentale sur la valorisation du métier d’enseignant en RDC. Si des solutions immédiates sont indispensables pour sauver la session examens 2025, une réflexion structurelle s’impose. Comment garantir la pérennité du système éducatif congolais sans résoudre en amont la question récurrente des décaissements et de la dignité enseignante ? Le territoire de Mwenga devient malgré lui le laboratoire d’une crise qui pourrait s’étendre à d’autres provinces si des réponses concrètes ne sont pas apportées.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
