Le bruit des balles a enfin cédé la place aux mots à Fataki, ce mercredi 28 mai. Dans ce territoire de Djugu en Ituri ravagé par la peur, des leaders Hema et Lendu se sont assis à la même table pour un dialogue intercommunautaire historique. Une tentative de désamorcer des décennies de méfiance qui ont transformé cette région en poudrière. « Mes enfants demandent chaque soir si les hommes armés viendront cette nuit », confie Kahindo, déplacée de Djaiba, réfugiée près d’une base de la MONUSCO. Comme elle, des milliers vivent dans l’angoisse, prisonniers d’une terre où la cohabitation semble devenue impossible.
Organisées par l’administrateur du territoire Ruffin Mapela avec l’appui technique et logistique de la MONUSCO, ces assises cruciales visent explicitement le retour déplacés Fataki. « Sans cohésion sociale et cohabitation pacifique, aucun retour durable n’est envisageable dans ce centre stratégique », martèle Mapela. La situation est pourtant explosive : les attaques répétées de la milice CODECO dans la zone de Djaiba ont transformé les sites de déplacés en cibles privilégiées, forçant des familles entières à fuir vers la protection précaire des casques bleus.
Comment en est-on arrivé là ? Les tensions communautaires Djugu entre Hema Lendu Ituri ont atteint un paroxysme ces derniers mois. À Fataki et Djaiba, les communautés ne se croisent plus, ne commercent plus, ne se parlent plus. Un apartheid de fait alimenté par la violence des groupes armés. Pourtant, Firmin Koné de la MONUSCO paix Ituri rappelle l’impératif du dialogue : « Recourir à la violence est l’arme des faibles. Il faut du courage pour affronter son adversaire autour d’une table. » Trois jours durant, les participants devront déminer les malentendus, les griefs historiques, les peurs alimentées par chaque nouvelle attaque.
Le défi est immense. Les déplacés interrogés près des bases onusiennes expriment un espoir mêlé de scepticisme. « On nous promet la sécurité depuis des années, mais chaque retour tourne au cauchemar », soupire un ancien cultivateur de Djaiba. Les attaques de CODECO ont systématiquement sapé les précédentes initiatives, créant un cercle vicieux de méfiance. Les enjeux dépassent pourtant la simple sécurité immédiate : c’est la reconstruction du tissu social déchiré de l’Ituri qui se joue dans ce dialogue.
La réussite de ces négociations conditionnera-t-elle l’avenir de toute une région ? Si les armes se sont momentanément tues, la paix durable nécessitera plus que trois jours de discussions. Les leaders devront trouver les mots qui permettront aux cultivateurs lendu et aux éleveurs hema de partager à nouveau les mêmes marchés, les mêmes chemins, les mêmes espoirs. Car derrière les grands principes de réconciliation, c’est la vie concrète des milliers de déplacés qui attend une issue. Leur retour ne sera possible que lorsque la nuit ne rimeront plus avec terreur à Fataki.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net