Dans un contexte de tensions sociales grandissantes, l’audition du maire de Kisangani, Delly Likunde, devant la commission politique, administrative et juridique (PAJ) de l’Assemblée provinciale de la Tshopo s’annonce comme un test décisif pour l’exécutif urbain. Alors que la ville est secouée par une insécurité endémique, une insalubrité alarmante et des embouteillages paralysants, les élus provinciaux brandissent l’arme du contrôle parlementaire pour exiger des comptes. Une manœuvre qui, sous couvert de transparence, révèle les fractures d’une gouvernance locale sous pression.
Les 30 questions adressées au maire ciblent trois crises majeures : la recrudescence des vols à main armée – parfois mortels – dans plusieurs communes, l’accumulation anarchique des déchets qui transforme certains quartiers en véritables dépotoirs, et l’engorgement chronique du trafic, exacerbé par les camions de la société Bralima stationnant illégalement sur les axes stratégiques. Autant de dossiers où l’inaction des autorités urbaines contraste avec les promesses de campagne.
« La population ne vit plus, elle survit entre peur et découragement », lance sous anonymat un député provincial, résumant l’exaspération croissante. Le stationnement des véhicules de Bralima, régulièrement pointé du doigt, symbolise à lui seul les ambiguïtés d’une gestion urbaine accusée de laxisme envers les acteurs économiques influents. Une situation qui interroge : jusqu’où les intérêts privés pèsent-ils sur l’intérêt général ?
Le report de l’audition, initialement prévue ce jeudi 22 mai, a permis au maire de gagner quatre jours précieux pour préparer sa défense. Un répit relatif, alors que le vice-président de la commission PAJ, Serge Loongo, et son rapporteur Paul Lokesa Bomboli, ont déjà annoncé vouloir « aller au fond des choses ». Leur objectif ? Évaluer si les retards accumulés relèvent de la malchance bureaucratique… ou d’une impéritie structurelle.
Sur le plan politique, l’enjeu dépasse la simple audition. Il s’agit ni plus ni moins d’un baromètre de la crédibilité du pouvoir provincial à imposer ses priorités à l’échelon local. En exigeant des « réponses précises » et des « calendriers contraignants », les députés provinciaux envoient un message clair : la patience des institutions a des limites. Reste à savoir si cette démonstration d’autorité parlementaire servira de électrochoc… ou approfondira les clivages existants.
Delly Likunde devra donc manœuvrer avec une précision d’horloger lors de son passage devant la commission ce lundi 26 mai. Entre justifications techniques et mea culpa stratégiques, son équilibre politique sera aussi fragile que les dossiers qu’il défend. Car derrière chaque chiffre avancé sur la sécurité ou la gestion des déchets se profile une question sous-jacente : cette audition marquera-t-elle un nouveau départ pour Kisangani… ou l’épilogue d’un mandat à la dérive ?
Les prochains jours s’annoncent cruciaux, non seulement pour le maire, mais pour l’ensemble des acteurs politiques de la Tshopo. À mesure que le contrôle parlementaire se renforce, c’est tout le modèle de gouvernance locale qui passe à la loupe. Avec, en filigrane, une interrogation brûlante : dans une province minée par les défis socio-économiques, quelle marge de manœuvre réelle possèdent encore les élus face à l’urgence quotidienne des citoyens ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net