Une alerte sanitaire secoue la prison centrale de Mbuji-Mayi au Kasaï-Central : six détenus ont été diagnostiqués porteurs de la tuberculose lors d’un dépistage massif organisé en mai dernier. Sur 500 personnes testées, ces cas positifs au bacille de Koch soulèvent des inquiétudes quant aux conditions carcérales et aux risques de propagation.
Comment une maladie évitable continue-t-elle de menacer nos prisons ? Le ministre provincial de la Santé, Daniel Kazadi, insiste sur l’urgence d’isoler les malades. « La promiscuité dans les cellules transforme les lieux de détention en incubateurs épidémiques », explique-t-il. Une réalité aggravée par la fuite de plusieurs détenus hospitalisés, qui ont interrompu leur traitement – un geste dangereux tant pour leur santé que pour celle de la communauté.
La tuberculose, infection bactérienne attaquant principalement les poumons, se transmet par des gouttelettes en suspension dans l’air. En milieu carcéral, où la surpopulation atteint souvent 300% des capacités, un seul malade non traité peut contaminer jusqu’à 15 personnes en un an. « C’est comme allumer une mèche dans un stock de poudre », vulgarise le Dr Léonie Tshibangu, pneumologue à Mbuji-Mayi.
Marguerite Mbelu, directrice de l’établissement, rassure : « Les patients identifiés reçoivent des antituberculeux gratuits ». Mais l’abandon thérapeutique des fugitifs inquiète. Interrompre le traitement de six mois favorise l’émergence de souches résistantes, nécessitant alors deux ans de soins coûteux. Un scénario redouté dans une province où seul 58% des centres de santé disposent de tests de diagnostic rapide.
Ce troisième épisode en huit ans interroge la politique sanitaire carcérale. Si le dépistage systématique – réalisé grâce aux kits fournis par le Programme National de Lutte contre la Tuberculose – marque un progrès, les experts réclament davantage : « Il faut améliorer la ventilation, réduire la surpopulation et former le personnel à détecter les toux persistantes », plaide le Dr Tshibangu.
En attendant, les autorités traquent les fugitifs tout en sensibilisant les détenus restants. Un défi colossal dans une région où les prisons fonctionnent avec moins de 1$ par jour et par détenu pour l’alimentation et les soins, selon un rapport 2023 de l’ONG RCN Justice & Démocratie.
Que faire face à cette bombe épidémiologique ? Les spécialistes recommandent :
- Un dépistage annuel obligatoire dans toutes les prisons de la RDC
- La création de salles d’isolement médicalisées
- Des campagnes de vaccination par BCG dans les zones à risque
- Une collaboration renforcée entre justice et santé pour les libérations anticipées médicales
La réponse à cette crise testera la capacité du Kasaï-Central à protéger simultanément santé publique et droits des détenus – un équilibre délicat mais vital pour enrayer ce fléau qui dépasse les murs des prisons.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net