Dans l’écrin feutré du musée de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, une onde créative a ébranlé les murs le 24 mai 2025. « Abstraire », autobiographie picturale de l’artiste Henri Kalama Akulez, y a été dévoilée, telle une constellation tombée du ciel pour éclairer les méandres de l’art abstrait en République Démocratique du Congo. L’ouvrage, publié aux Éditions Weyrich, n’est pas un simple recueil d’œuvres : c’est un voyage initiatique où les couleurs parlent, les matières prient et les silences résonnent comme des cantiques cosmiques.
Comment capturer l’insaisissable ? La couverture de l’ouvrage, inspirée de la série « Vibrations cosmiques », répond par une explosion de textures et de pigments qui semblent pulsés par le cœur même de l’univers. « Je n’ai pas choisi l’abstraction, c’est elle qui m’a choisi », confie l’artiste, dont les toiles transcendent le visible pour atteindre à une spiritualité quasi liturgique. Ses œuvres – entre griffures de terre ocre et nuées d’azur – ne se regardent pas : elles s’éprouvent, comme un chant méditatif porté par le souffle des ancêtres.
Simon Njami, critique d’art renommé, souligne dans sa contribution la radicalité de cette démarche : « Akulez ne produit pas de l’art africain, mais de l’art tout court, libéré des carcans exotisants. » Une pensée que partage Martin Fortuné Mukendji, évoquant le jeune étudiant de Lubumbashi devenu directeur de l’Académie, « alchimiste transformant les philosophies bantoues en or pictural ». Les références à la China Art Academy de Hangzhou révèlent quant à elles un syncrétisme rare : des pinceaux asiatiques dansant sur des rythmes congolais, créant une grammaire artistique sans frontières.
Quelle place pour cet héritage dans la formation des jeunes artistes ? L’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, sous l’impulsion de son directeur, en a fait un manifeste pédagogique. « Abstraire » devient ainsi un vade-mecum pour étudiants, mêlant techniques de méditation et rigueur académique. « L’art abstrait congolais n’est pas une fuite du réel, mais une plongée dans ses racines les plus profondes », peut-on lire dans un chapitre où les gisements miniers du Katanga se transmuent en constellations de points et de lignes.
Avec ses 224 pages truffées d’archives inédites et de reproductions d’œuvres, l’ouvrage pose une question cruciale : et si l’avenir de l’art congolais se jouait dans ce dialogue entre transcendance et engagement social ? Les « Vibrations cosmiques » d’Akulez, tout en interrogeant notre rapport au sacré, esquissent une réponse en forme de révolution silencieuse – celle d’un art qui, pour être universel, n’en demeure pas moins viscéralement ancré dans le terreau culturel de la RDC.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc