Dans un contexte où les tensions foncières en République Démocratique du Congo (RDC) menacent régulièrement la stabilité sociale, l’initiative de la ministre d’État Acacia Bandubola suscite autant d’espoirs que de scepticisme. Le Collectif des syndicats des Affaires foncières a récemment apporté son soutien public aux réformes présentées comme une « cure de rigueur » pour un secteur gangréné par les conflits et les constructions anarchiques. Une alliance inédite, ou une stratégie politique calculée ?
Lors d’une déclaration solennelle au Palais du Peuple, les syndicalistes ont salué la « détermination sans faille » de la ministre à rétablir l’autorité de l’État. Léon Bakaka Kalamba, rapporteur du collectif, a insisté sur l’urgence de mettre fin aux « déclarations abusives de biens sans maître » et aux « morcellements anarchiques » – des pratiques qui ont transformé certaines zones urbaines en véritables friches juridiques. Mais derrière ces louanges se cachent-ils des enjeux plus complexes ?
Les réformes proposées visent à encadrer strictement l’attribution des concessions, tout en criminalisant les occupations illégales. Un virage radical pour un pays où, selon des rapports internationaux, près de 60% des litiges judiciaires concernent des conflits fonciers. La ministre Bandubola parie sur une gouvernance foncière « équitable et durable », mais sa stratégie repose sur un équilibre fragile entre fermeté institutionnelle et acceptation populaire.
« Le sol congolais doit devenir un levier de développement, pas un champ de bataille », ont martelé les syndicalistes. Un discours séduisant, mais qui soulève des questions cruciales : comment concilier régularisation massive et protection des plus vulnérables ? Les mesures contre les constructions anarchiques risquent-elles d’alimenter l’exclusion dans des villes déjà saturées comme Kinshasa ou Lubumbashi ?
Si Acacia Bandubola bénéficie d’un soutien syndical inhabituel, son pari reste semé d’embûches. Les réformes nécessiteront une collaboration inédite entre administrations, forces de l’ordre et populations – trois acteurs historiquement en défiance. La ministre devra aussi composer avec des élus locaux souvent accusés de complicité dans les attributions irrégulières. Un véritable chemin de crête politique.
À l’approche des échéances électorales, chaque décision prend une résonance particulière. L’échec de ces réformes pourrait non seulement aggraver la précarité urbaine, mais aussi affaiblir durablement le crédit politique d’une ministre ambitieuse. Reste à savoir si cette « refondation foncière » deviendra un modèle de gouvernance ou un énième rapport empoussiéré dans les tiroirs de l’État congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net