Le retour fracassant du gouverneur Jean-Jacques Pulusi à Uvira, ce mardi 20 mai, ressemble à une tentative de réhabilitation politique dans un Sud-Kivu exsangue. Après quatre mois d’absence, le chef de l’exécutif provincial a choisi le symbole du chef-lieu provisoire pour annoncer « le début de la fin » de la guerre contre le M23. Une déclaration solennelle, présentée comme un message personnel du chef de l’État, qui soulève autant d’espoirs que de doutes dans une région meurtrie.
Devant une foule avide de réponses, le gouverneur a martelé son appel à la cohésion sociale, arguant que la pacification des cœurs précéderait celle des territoires. Mais comment croire à cette rhétorique dans une province où Bukavu et ses environs restent sous occupation du M23 depuis des mois ? Un paradoxe qui n’a pas échappé aux observateurs : « Parler de fin de guerre alors que les bottes résonnent encore dans le Tanganyika, c’est comme promettre la pluie en saison sèche », ironise un acteur de la société civile sous couvert d’anonymat.
La stratégie de communication semble pourtant claire : ancrer l’idée d’un dénouement imminent du conflit. Le gouverneur a même brandi la menace d’invalidation des « actes civils accomplis sous la rébellion », sans toutefois préciser quelles transactions ou alliances locales seraient concernées. Une ambiguïté qui alimente les spéculations sur d’éventuels règlements de comptes politiques masqués en mesures techniques.
Derrière les annonces triomphalistes se profile une réalité économique catastrophique. La crise sécuritaire au Sud-Kivu a coupé l’artère vitale entre Uvira et Bukavu, paralysant les échanges et faisant flamber la criminalité. Les récentes statistiques sur les vols armés et meurtres ciblés – soigneusement évitées dans le discours officiel – dessinent le tableau d’une province au bord de l’asphyxie.
Reste la question centrale : cette opération de retournement narratif parviendra-t-elle à redorer un leadership provincial contesté ? Si le gouverneur joue habilement la carte de l’autorité présidentielle, ses déclarations butent sur le mur du vécu quotidien des populations. « Nous attendons des preuves, pas des prophéties », résume une commerçante d’Uvira, les yeux fixés sur la route de Bukavu toujours coupée. Le véritable test se jouera moins dans les discours que dans la capacité à libérer les localités occupées et relancer l’économie – seuls vaccins contre la défiance populaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net