Le retour du gouverneur Jean Jacques Purusi à Uvira, après trois mois d’absence forcée à Kinshasa, survient dans un contexte sécuritaire volatile marqué par l’emprise persistante des rebelles de l’AFC/M23 sur Bukavu et plusieurs localités du Sud-Kivu. Son arrivée dans la nouvelle capitale administrative provinciale, où les institutions ont été relocalisées depuis février, soulève autant d’espoirs que de questions sur la capacité des autorités à inverser la dynamique conflictuelle.
Accueilli par son vice-gouverneur Jacques Elakano et une délégation d’autorités locales, Purusi a immédiatement martelé un discours d’unité communautaire. « En ce moment difficile, soyons unis. Que vous soyez Bembe, Shi, Bande ou autres, Congolais d’ici ou là, unissons-nous la main dans la main », a-t-il déclaré, dans une allusion directe aux fractures ethniques exploitées par les groupes armés. Un plaidoyer pour le « vivre-ensemble » qui contraste avec la réalité d’une province où le tribalisme a souvent servi de carburant aux violences cycliques.
Le gouverneur a par ailleurs appelé à un renforcement des relations civilo-militaires, arguant que « la victoire contre l’AFC/M23 passe par une symbiose entre population et forces loyalistes ». Un discours bien rodé, mais qui butte sur les accusations récurrentes d’exactions commises par certains éléments des FARDC. La population uvirienne, traumatisée par les déplacements massifs et les exactions, attendra-t-elle des actes concrets avant d’adhérer à cette rhétorique ?
Porteur d’un message présidentiel, Purusi a assuré que « la guerre est en train de prendre fin », promettant un retour à la normale et l’établissement d’une justice implacable contre les auteurs de crimes. Une déclaration qui sonne comme un aveu implicite : l’État reconnaîtrait-il enfin l’ampleur des défaillances sécuritaires et judiciaires ayant favorisé l’expansion de l’AFC/M23 ?
Reste que ce retour s’inscrit dans une logique de reconquête symbolique. En administrant le Sud-Kivu depuis Uvira – dernière grande ville épargnée par l’offensive rebelle –, le gouverneur tente de préserver les apparences d’une autorité étatique résiliente. Mais cette stratégie de résistance administrative suffira-t-elle face à des groupes armés contrôlant près de 60% du territoire provincial selon des sources locales ?
Les prochains jours s’annoncent déterminants. Alors que Kinshasa affiche sa volonté de reprendre l’initiative, les partenaires internationaux observeront avec attention la capacité du gouverneur à traduire en actes ses appels à l’unité. La crédibilité du pouvoir central, déjà mise à mal par des années de crise sécuritaire en RDC, se joue aussi dans cette partie d’échecs géopolitique où chaque mouvement symbolique compte double.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd