Alors que la République Démocratique du Congo (RDC) fournit plus de 70% du cobalt mondial, le ministre des Mines Kizito Pakabomba a marqué un tournant stratégique lors du Congrès annuel du cobalt à Singapour. Une intervention qui redéfinit les règles du jeu dans un secteur minier en pleine mutation géopolitique et énergétique.
Dans un discours qualifié d’« historique » par plusieurs observateurs, le ministre a balayé le narratif traditionnel de la RDC comme simple pourvoyeur de matières premières. « Notre cobalt ne doit plus être synonyme de prédation, mais de partenariat minier responsable », a-t-il martelé, insistant sur la nécessité d’une « justice climatique » dans la transition énergétique mondiale. Un positionnement qui intervient alors que le pays représente 72,9% de la production mondiale selon les dernières données de la Banque Mondiale.
Les cinq piliers de la nouvelle donne minière
La feuille de route présentée s’articule autour de cinq axes de diversification économique :
- Élargissement des alliances stratégiques au-delà des partenaires traditionnels
- Valorisation de l’ensemble des ressources minérales nationales
- Décentralisation des sites d’exploitation
- Industrialisation locale de la filière cobalt
- Intégration du secteur minier dans l’économie réelle
« Cette politique rompt avec le modèle extractiviste hérité de la colonisation », analyse un expert congolais sous couvert d’anonymat. Concrètement, le gouvernement exige désormais que 30% de la transformation s’effectue sur le territoire national d’ici 2025, contre moins de 5% actuellement.
Des négociations à haut voltage
En marge du sommet, Kizito Pakabomba a mené des pourparlers serrés avec les géants miniers. La rencontre avec Glencore, qui contrôle la majorité de la production via la Kamoto Copper Company (KCC), a notamment porté sur le respect des nouvelles normes environnementales. « Les investissements doivent générer 1 dollar de valeur ajoutée locale pour chaque dollar exporté », a rappelé le ministre selon des sources proches des discussions.
Le parallèle avec l’Indonésie, pays invité ayant réussi son virage dans le nickel, apparaît comme un signal fort. Septian Hario Seto, architecte de la stratégie indonésienne, a partagé son expérience lors d’un panel crucial sur la mise en œuvre réglementaire.
Un équilibre géopolitique délicat
Si l’annonce a été globalement bien accueillie, certains s’interrogent : la RDC parviendra-t-elle à concilier exigences environnementales, pression des investisseurs et attentes sociales ? Le défi est de taille alors que le cours du cobalt a chuté de 40% depuis janvier 2023, selon les données du CRU Group.
Pour Marie-Chantal Kaninda de Glencore RDC, « cette transition nécessitera des investissements estimés à 15 milliards USD sur dix ans ». Un montant qui souligne l’ampleur des réformes tout en posant la question cruciale du financement.
La balle est désormais dans le camp des partenaires internationaux. Accepteront-ils de transformer le cobalt congolais en laboratoire d’une nouvelle économie minière équitable ? La réponse déterminera non seulement l’avenir énergétique mondial, mais aussi la stabilité socio-économique de toute une région.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net