En République Démocratique du Congo, la Journée internationale des infirmières du 12 mai résonne comme un cri du cœur. Sous le thème « Nos infirmières. Notre avenir », cette édition 2024 souligne un enjeu crucial : comment bâtir un système de santé viable sans valoriser celles qui en constituent la colonne vertébrale ?
Le témoignage de Monique Filika, infirmière à Kinshasa depuis 12 ans, illustre ce paradoxe. « Le 12 mai, on parle de nous. Le 13, on retourne aux salaires impayés et aux tournées interminables », confie-t-elle dans un sourire las. Son quotidien ? Un marathon entre consultations, gestion des pénuries de matériel et responsabilités familiales – réalité partagée par des milliers de soignantes congolaises.
Quel avenir pour la santé congolaise si ses gardiennes sont épuisées ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’Ordre national des Infirmiers, 65% du personnel infirmier travaille sans équipements de protection complets. Pourtant, ces professionnelles assurent près de 80% des actes de soins primaires, particulièrement en zones rurales.
« Être infirmière ici, c’est improviser des solutions chaque jour », explique Monique en ajustant son stéthoscope usé. Elle décrit des journées de 14 heures, des nuits de garde sans relève, et ce dilemme constant : « Faire des économies sur les gants stériles pour acheter des médicaments essentiels ».
Le lien entre conditions de travail et exode des compétences saute aux yeux. « J’ai formé six collègues parties en Europe ces trois dernières années », soupure-t-elle. Une hémorragie qui coûterait au système de santé congolais près de 2 millions USD annuels en formation perdue, selon une étude universitaire kinoise.
Mais l’espoir persiste. Monique insiste sur la résilience des nouvelles générations : « Ces jeunes filles viennent avec une conscience politique. Elles savent que soigner c’est aussi militer pour nos droits ». Un combat qui passe par des revendications concrètes : salaire minimum garanti (actuellement autour de 150 USD mensuels), accès au crédit logement, et reconnaissance officielle des risques professionnels.
La solution ? Monique plaide pour un « pacte national » intégrant les infirmières dans les instances décisionnelles : « Nous connaissons les besoins réels des centres de santé. Nous pourrions éviter tant de gaspillages ». Une vision qui fait écho aux recommandations de l’OMS sur la participation des soignants de première ligne.
En cette Journée internationale, son message aux autorités est clair : « Investir dans les infirmières, c’est protéger votre capital humain. Une équipe soignante motivée réduit les arrêts maladie, améliore la productivité économique et retient les talents ». Un calcul économique qui pourrait révolutionner la santé congolaise – si tant est qu’on veuille l’entendre.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd