Dans l’ombre des conflits armés et des traditions séculaires, une bataille silencieuse se joue dans les Kivu. Seulement 10% des femmes autochtones contrôlent leurs terres agricoles malgré leur rôle central dans la subsistance familiale. La Coalition des femmes leaders pour l’environnement et le développement durable (CFLEDD) vient de lancer un cri d’alarme : l’accès à la terre pour les femmes rurales reste un mirage dans l’Est de la RDC.
Comment expliquer ce déni de droits dans une région pourtant riche en ressources ? Le diagnostic est sans appel : « Lois ignorées, coutumes oppressives et insécurité chronique forment un trio destructeur », résume Chérifa Apek Eyer de la CFLEDD. Alors que le code foncier congolais reconnaît théoriquement l’égalité, les tribunaux coutumiers – majoritaires en zone rurale – continuent d’exclure systématiquement les femmes de l’héritage terrien.
Le projet « Femmes en Action », soutenu par Affaires mondiales Canada, tente de briser ce cercle vicieux. « Vulgariser les textes juridiques ne suffit pas », insiste Dorothée Marie Lisenga, coordonnatrice de la CFLEDD. La paix constitue le préalable absolu : chaque attaque de milice dans les villages du Nord-Kivu annihile des années d’efforts d’autonomisation. Les déplacées de guerre, souvent veuves, se retrouvent doublement spoliées – par les conflits armés et par des parentés voraces.
Pourtant, les solutions existent. JR Bowela, expert genre à la CFLEDD, pointe une contradiction criante : « Les femmes produisent 80% des cultures vivrières mais ne possèdent que 2% des titres fonciers ». Un paradoxe qui coûte cher à la sécurité alimentaire régionale. L’agriculture familiale, pilier de l’économie locale, reste prisonnière de normes archaïques.
Et si la clé du développement résidait dans ce combat féminin ? Chaque hectare octroyé à une paysanne autochtone booste les rendements agricoles de 20 à 30%, selon les études de la coalition. « Protéger leurs droits fonciers, c’est protéger nos forêts et nos réserves alimentaires », martèle un participant à l’atelier. Les femmes, gardiennes des semences traditionnelles, deviennent pourtant les premières victimes de l’accaparement des terres.
La route vers l’équité reste semée d’embûches. Entre les groupes armés qui instrumentalisent les conflits fonciers et les chefs coutumiers réticents, le plaidoyer de la CFLEDD ressemble à un marathon contre des murs invisibles. Pourtant, chaque victoire locale – une veuve qui récupère son lopin, une coopérative féminine reconnue – allume une lueur d’espoir.
À quand une véritable révolution foncière ? Les partenaires du projet le savent : l’autonomisation des femmes rurales ne se décrètera pas depuis Kinshasa. Elle germera dans les champs du Nord-Kivu, à force de sensibilisation communautaire et de pression internationale. Car derrière chaque hectare disputé se cache un enjeu vital : la survie écologique et économique de toute une région.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net