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Un mirage numérique : football européen et TikTok sensationnel en RDC

En République démocratique du Congo (RDC), l’attention collective semble happée par le football européen au point d’occulter le reste de l’actualité locale. Les récentes données de Google Trends le confirment : parmi les recherches en ligne les plus fréquentes des Congolais figurent des termes liés aux compétitions et stars du « ballon rond » international. Ainsi, un média congolais notait dès 2019 que les requêtes « Live Sport », « Livescore » ou « Champion’s League » arrivaient en tête sur Google. Cette focalisation sur le foot européen est loin d’être un fait isolé : les clubs étrangers et joueurs hors-tables nationales dominent aujourd’hui le « top 50 » des recherches congolaises. Les championnats européens – Ligue 1, Premier League, Liga, Champions League – et leurs vedettes captivent les internautes. On peut citer par exemple la popularité de noms comme Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ou Kylian Mbappé, ou de clubs comme le Real Madrid ou le FC Barcelone, largement en tête des sujets recherchés.

Cette surreprésentation sportive ne se vérifie pas partout. En France, les centres d’intérêt sont plus diversifiés. Les tops annuels Google l’attestent : en 2024 par exemple, l’Euro de football, les Jeux olympiques de Paris ou la Coupe d’Afrique des nations ont certes marqué les recherches, mais elles ont coexisté avec des préoccupations politiques et culturelles (élections américaines, municipale, décès de personnalités, dates des congés scolaires, réformes, etc.). De même, en Afrique du Sud, le « Year in Search 2024 » de Google montre un éventail de thèmes – élections nationales et US, effondrement d’un immeuble à George, Ballon d’Or, combats de MMA, inondations en Eastern Cape, rappels alimentaires (« peanut butter recalled ») – autant que du sport (Ballon d’Or, lutte). Ces exemples soulignent qu’en France et en Afrique du Sud, l’actualité politique, sociale ou environnementale tient sa place aux côtés du sport. En RDC, au contraire, l’actualité politique et citoyenne peine à émerger dans les requêtes populaires, signe d’une attention déformée vers des sujets à portée internationale et souvent futiles.

TikTok en RDC : du buzz à gogo

La même tendance se retrouve sur les réseaux sociaux. Sur TikTok RDC, les sujets « à la une » des dernières semaines sont pour l’essentiel des polémiques, des clashs entre influenceurs ou des contenus chocs. Par exemple, le pasteur bien connu, Marcello Tunasi, a récemment fait le buzz en tant que « scandale TikTok » : des extraits tronqués de sa prédication ont alimenté des rumeurs sur son prétendu lien avec le « diable ». Ce débat religieux, relayé massivement sur la plateforme, illustre la nature des contenus qui émergent : des controverses virales sans réel enjeu constructif. D’autres tendances récentes incluent des polémiques autour de personnages médiatisés à Kinshasa (affaires d’influenceuses surnommées “Emma” ou “Innoss’B” en conflit, par exemple) et le partage de vidéos choc – comme un soi-disant « Congo Execution Story » – amplifiées par les algorithmes TikTok. Les actualités locales sérieuses (économie, santé, initiatives citoyennes) sont quasiment absentes des sujets viraux congolais. Plus préoccupant, cette saturation par le sensationnel n’est pas sans conséquences : les autorités congolaises elles-mêmes ont récemment pointé TikTok du doigt, accusant la plateforme de mal contrôler son contenu. En février 2025, TikTok et d’autres réseaux ont même été provisoirement suspendus en RDC à la suite de ces critiques, au motif qu’ils favorisaient la circulation de fausses informations ou de contenus déstabilisants.

Contrastant avec cette course au buzz, l’usage de TikTok ailleurs dans le monde revêt un profil différent. En France, par exemple, la plateforme a activement promu les contenus pédagogiques. Un fil « STEM » (Sciences, Technologies, Ingénierie, Mathématiques) a été lancé en 2024 pour valoriser les vidéos éducatives françaises, et ces formats enregistrent des dizaines de millions de vues. Parmi les 13 créateurs mis en avant, des professeurs de sciences accumulent centaines de milliers d’abonnés – preuve qu’une frange des utilisateurs en France privilégie l’apprentissage et la culture. En Chine, la version locale Douyin applique un « mode jeunesse » strict : tous les mineurs sont automatiquement exposés à des vidéos éducatives (sciences, histoire, art) et leur accès est régulé. Au contraire, sur le TikTok international (hors Chine), l’algorithme pousse massivement des défis, des chansons virales ou des polémiques sottes. TikTok Sud-Africain, quant à lui, mêle contenus culturels (danses locales, musiques) et tendance globale, sans que l’éducation ne soit poussée au premier plan comme en Chine ou même en France. En somme, alors que TikTok peut servir des causes positives (apprentissage, culture, débats citoyens) dans certains pays, son usage en RDC a jusqu’ici privilégié le divertissement creux et les clashs, au détriment d’une consommation numérique responsable.

Cette fuite en avant dans le spectaculaire détourne l’attention de l’essentiel. Elle favorise l’éparpillement dans des contenus triviaux ou polémiques, plutôt que l’engagement sur les enjeux locaux – éducation, environnement, avenir économique, mémoire collective. Une telle dynamique compromet la construction civique d’un pays en plein développement.

En conclusion, chacun est responsable de son fil d’actualité. Il est urgent de rééquilibrer nos habitudes en ligne. Au lieu de se contenter de follow les dernières « stories » people ou les matchs en streaming, les internautes congolais gagneraient à privilégier les contenus riches et locaux : initiatives communautaires, projets de développement, patrimoine culturel ou simples ressources pédagogiques. Par exemple, plutôt que de rechercher uniquement un score de foot européen, on pourrait s’abonner à des pages pédagogiques ou d’actualité congolaise. Autrement dit, nous devons tourner notre regard numérique vers ce qui fait progresser notre communauté. Dans les mots de Ta-Nehisi Coates sur un autre continent : « rechercher la vérité au lieu de l’escalade du bruit ». Il en va de l’avenir collectif de la RDC de ne pas laisser la course au buzz diriger nos esprits. Nous avons le pouvoir (et le devoir) de consommer différemment – vers des contenus locaux, utiles et porteurs de sens – pour que notre attention en ligne serve vraiment le progrès, pas seulement le divertissement.

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