Dans un contexte où les épidémies de rougeole ont régulièrement frappé la République Démocratique du Congo, la province du Kasaï-Oriental affiche une résilience remarquable. Alors qu’aucune flambée épidémique n’a été enregistrée en 2024, quelques cas isolés signalés depuis le début de 2025 relancent le débat sur les stratégies de prévention. Comment cette région a-t-elle réussi à briser la chaine de transmission d’une maladie qui touche principalement les enfants de moins de cinq ans ?
Une vigilance en temps réel
Le Dr Jean-Pierre Sumba, coordonnateur provincial de la lutte contre la rougeole, attribue ce succès à un dispositif de surveillance épidémiologique renforcé. « Dès qu’un cas présentant de la fièvre, une éruption cutanée ou des conjonctivites est signalé, nous activons un protocole d’urgence », explique-t-il. Ces symptômes, souvent comparables à ceux d’un simple rhume dans les premiers jours, nécessitent une identification rapide pour éviter les complications graves comme les pneumonies ou les encéphalites.
Vaccination et réactivité : le duo gagnant
Avec un taux de couverture vaccinale qui atteint désormais 78% dans les zones de santé prioritaires – contre 62% en 2023 –, la province mise sur la prophylaxie. Mais le médecin insiste : « La vaccination seule ne suffit pas. Lorsqu’un cas suspect émerge, nous déployons des équipes mobiles dans un rayon de 5 km autour du foyer pour vérifier le statut vaccinal de chaque enfant. » Une approche qui rappelle le « ceinture de sécurité » utilisée contre Ebola, adaptée ici à la rougeole.
2025 : pourquoi des cas resurgissent-ils ?
Les 17 cas confirmés depuis janvier 2025, bien que géographiquement dispersés, interpellent. « Ces infections surviennent principalement dans les communautés nomades et les zones d’accès difficile », précise le Dr Sumba. Un défi logistique que les autorités tentent de surmonter par des campagnes de vaccination itinérantes et des partenariats avec les chefs locaux.
Le rôle crucial des laboratoires
Chaque prélèvement effectué sur un patient suspect parcourt désormais les 1 200 km qui séparent le Kasaï-Oriental de Kinshasa en moins de 72 heures. Grâce à l’appui de l’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB), les résultats sont disponibles sous 5 jours – un délai réduit de 60% par rapport à 2020. Cette rapidité permet d’isoler les vrais cas de rougeole des autres maladies fébriles comme la rubéole ou la dengue.
Quand faut-il s’inquiéter ?
• Fièvre persistante au-delà de 3 jours
• Taches blanches à l’intérieur des joues
• Éruption cutanée débutant au visage
« Ces signes doivent conduirent immédiatement au centre de santé le plus proche », alerte le médecin. Un réflexe qui a permis de réduire à 0,2% le taux de mortalité parmi les cas confirmés en 2024, contre 6,7% lors de la dernière épidémie majeure en 2019.
Une leçon pour d’autres provinces ?
Le modèle du Kasaï-Oriental, combinant surveillance communautaire et réponse rapide, inspire désormais le Kwilu et le Mai-Ndombe. Reste un obstacle de taille : selon l’OMS, près de 3 millions d’enfants congolais n’ont reçu aucune dose de vaccin antirougeoleux en 2024. Un chiffre qui rappelle que la bataille est loin d’être gagnée à l’échelle nationale.
Que peuvent faire les parents ?
– Vérifier le carnet de vaccination chaque mois
– Signaler toute absence scolaire prolongée
– Participer aux réunions d’information des zones de santé
« La rougeole est un tsunami viral : un seul cas peut en contaminer 18 autres en l’absence de protection », compare le Dr Sumba. Un appel à la vigilance collective alors que la saison sèche – période propice aux épidémies – approche à grands pas.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net