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Bukavu : L’hémorragie économique qui asphyxie le poumon informel du Sud-Kivu

Dans les rues de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, une crise économique silencieuse étend ses ramifications. Le secteur informel, qui représente près de 80 % des activités génératrices de revenus selon la Banque centrale congolaise, subit un étranglement sans précédent. Les marchés traditionnels, véritables baromètres de l’économie populaire, affichent des courbes alarmantes : baisse de 60 % des transactions quotidiennes, effondrement de 70 % du chiffre d’affaires des microentreprises, et une inflation annuelle dépassant les 45 % en 2023. Ces chiffres, aussi abstraits qu’implacables, se matérialisent dans le quotidien de milliers de familles.

Un secteur informel en réanimation intensive

Le marché de Nyawera, habituellement bruissant d’activités, ressemble désormais à un organisme en état de choc. Les étals vides et les allées désertées illustrent une réalité implacable : la circulation monétaire s’est raréfiée comme un flux sanguin obstrué. « Avant, je vendais 50 kg de poisson par jour. Aujourd’hui, 10 kg maximum, et encore… à crédit », soupire maman Adèle Sifa, les mains posées sur une caisse vide. Cette vendeuse incarne les 68 % de femmes actives dans le secteur informel selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), premières victimes d’une crise systémique.

La double peine des entrepreneuses de survie

L’atelier de maman Julie, couturière depuis quinze ans, expose une autre facette du désastre. Des piles de tissus invendus s’amoncellent comme des stocks morts dans un entrepôt en faillite. « Les clients préfèrent rapiécer eux-mêmes leurs habits plutôt que de payer 2 000 francs (0,80 dollar) pour une réparation », explique-t-elle. Une chute vertigineuse de 70 % de son chiffre d’affaires depuis 2022, directement corrélée à l’escalade des conflits armés dans l’Est. Comment reconstruire une économie de subsistance quand la guerre dévore 40 % du budget national selon le Fonds monétaire international (FMI) ?

La spirale infernale du crédit informel

Dans les quartiers populaires de Kadutu, un mécanisme de survie ancestral montre ses limites. Jean-Claude Bahati, enseignant, décrit une chaîne de crédits toxiques : « Le poissonnier doit au grossiste, qui doit au transporteur, qui doit au garagiste… ». Ce système, qui représentait 90 % des transactions locales selon une étude de la Banque mondiale en 2021, se transforme en piège à dettes. Les taux de recouvrement plongent sous les 30 %, sapant les bases mêmes de cette économie de confiance.

Le cocktail explosif : inflation + dépréciation monétaire

La dégringolade du franc congolais (CDF) donne à cette crise une dimension macroéconomique. Face au dollar américain, la monnaie nationale a perdu 23 % de sa valeur depuis janvier 2023, selon les données de la Banque centrale. Conséquence directe : le prix du sac de farine de 25 kg a bondi de 65 000 à 110 000 CDF en un an. Pour les ménages dont 82 % vivent avec moins de 1,90 dollar par jour (Banque mondiale), chaque course au marché devient un casse-tête mathématique.

L’analyse de Riziki Cibalonza : « Un modèle à réinventer d’urgence »

L’économiste congolais tire la sonnette d’alarme : « Le secteur informel n’est plus un amortisseur social, mais un miroir des fractures économiques. Sa contribution au PIB régional est passée de 55 % à 38 % en cinq ans. » Ses recommandations ? Un plan de formalisation progressive associé à des mécanismes de microcrédit sécurisés, et surtout une intégration des acteurs informels dans les politiques publiques locales.

L’absence criante de réponses structurelles

Malgré les appels répétés des organisations locales, les autorités provinciales tardent à réagir. Aucun fonds d’urgence n’a été débloqué, alors que des villes comme Goma ou Kinshasa ont mis en place des programmes de soutien aux microentreprises dès 2022. Cette inertie politique risque de transformer une crise conjoncturelle en effondrement durable, avec à la clé une augmentation prévisible de l’exode rural et de l’insécurité alimentaire.

La résilience des habitants de Bukavu, bien réelle, ne suffira pas à elle seule. Sans intervention coordonnée associant aide d’urgence et réformes structurelles, la capitale du Sud-Kivu pourrait bien devenir le symbole d’une économie informelle sacrifiée sur l’autel des crises à répétition. L’enjeu dépasse largement les frontières régionales : c’est tout le modèle de développement congolais qui doit être repensé, avant que le tissu économique et social ne se délite complètement.

Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net

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Amissi G
Amissi G
Né à Lubumbashi, Yvan Ilunga est un passionné de la richesse culturelle du Congo. Expert en éducation et en musique, il vous plonge au cœur des événements culturels tout en mettant en lumière les initiatives éducatives à travers le pays. Il explore aussi la scène musicale avec une analyse fine des tendances artistiques congolaises, faisant d’Yvan une véritable référence en matière de culture.
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