Dans un contexte politique congolais marqué par des tensions croissantes, la question des libertés fondamentales revient une nouvelle fois sur le devant de la scène. Vendredi 2 mai à Lubumbashi, les députés provinciaux du groupe Ensemble pour la République ont levé le voile sur une pratique inquiétante : le blocage systématique de délivrance de passeports visant des figures emblématiques de l’opposition. Une manœuvre qui interroge autant sur les méthodes du pouvoir que sur l’état de la démocratie en République Démocratique du Congo.
« Privations administratives ou stratégie d’étouffement politique ? », s’interrogent les observateurs. Parmi les personnalités ciblées figurent Moïse Katumbi Chapwe, président du parti portant le même nom que le groupe parlementaire dénonciateur, son directeur de cabinet Olivier Kamitatu, et l’honorable Mika Mukebayi. Khiller Mubambe, porte-parole des élus contestataires, fustige « une provocation contre l’État de droit » qui sape les efforts de cohésion nationale.
Cette révélation survient dans un climat déjà chargé par les récentes arrestations d’opposants. Augustin Matata, John Mbangu et Jean-Claude Ndala Muselwa croupiraient depuis six mois dans les geôles de Lubumbashi, selon les déclarations du groupe parlementaire. Un paradoxe cruel pour un pouvoir qui multiplie les appels au dialogue tout en verrouillant l’espace démocratique. Le gouvernement joue-t-il double jeu ?
Les implications de cette crise administrative dépassent la simple anecdote bureaucratique. En instrumentalisant les services de l’État, les autorités congolaises dessinent les contours d’une nouvelle forme de répression. Le passeport, document vital pour tout engagement politique international, devient une arme de neutralisation massive. Une stratégie qui rappelle étrangement les heures sombres des régimes autoritaires, où le contrôle des mobilités servait de briseur d’ambitions contestataires.
Cette affaire met en lumière les dysfonctionnements chroniques de l’administration congolaise, régulièrement pointés du doigt par la société civile. Le lien partagé par les députés vers un article de Radio Okapi révélant « l’attente interminable des requérants de passeports » à Kinshasa vient étayer leur argumentaire. Faut-il y voir une simple inertie bureaucratique ou une volonté délibérée de museler toute voix discordante ?
La réaction des autorités provinciales se fait toujours attendre, alimentant les spéculations. Certains analystes y décèlent une tentative d’épuisement des forces oppositionnelles à l’approche des échéances électorales. D’autres évoquent une stratégie de fragmentation des alliances politiques naissantes. Reste que cette politique du bâton et de la carotte administrative pourrait se retourner contre ses instigateurs.
Au-delà des enjeux locaux, ce bras de fer politique questionne la crédibilité internationale de la RDC. Comment concilier les discours sur la modernisation de l’État avec ces pratiques d’un autre âge ? Les partenaires étrangers, souvent prompts à financer des programmes de bonne gouvernance, ferment-ils les yeux sur ces entorses répétées aux droits fondamentaux ?
La balle est désormais dans le camp de la justice congolaise. Les députés provinciaux annoncent des recours légaux pour « abus de pouvoir et entrave aux droits constitutionnels ». Mais dans un paysage judiciaire souvent accusé de partialité, cette voie offrira-t-elle une réelle issue ? L’affaire pourrait bien devenir le symbole des contradictions d’un régime tiraillé entre aspirations démocratiques et réflexes autoritaires.
Alors que la détention des opposants approche le seuil critique des six mois, la communauté internationale observe avec attention. Les prochaines semaines seront cruciales : soit le pouvoir congolais rectifie le tir pour préserver son image, soit il assume ouvertement ce virage répressif. Dans les deux cas, l’équilibre politique fragile du Katanga risque d’en sortir durablement affecté.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net