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Kuluna : Et si la répression policière aggravait le phénomène qu’elle prétend combattre ?

Dans les rues de Kinshasa, le terme « Kuluna » résonne comme une condamnation à vie. Ces jeunes, souvent pointés du doigt pour leur implication dans des actes de violence, sont au cœur d’un débat qui dépasse la simple question sécuritaire. « Nous traitons les symptômes, pas la maladie », lance le professeur Raoul Kienge-Kienge Intudi, directeur de l’école de criminologie de l’UNIKIN, lors d’un atelier organisé le 30 avril. Son discours, tranchant, appelle à une révolution des mentalités : et si la solution à la délinquance juvénile résidait dans l’empathie plutôt que dans la répression ?

« Les opérations policières apparaissent comme du verni qui couvre le vrai problème sans le faire disparaître », assène-t-il. Une critique directe des méthodes actuelles, symbolisées par des initiatives comme l’opération Likofi, dont les résultats mitigés ont laissé des cicatrices dans les quartiers populaires. Pour ce docteur en criminologie, le phénomène Kuluna ne se résoudra pas par des arrestations massives, mais par un accompagnement social global. Son arme ? L’« approche AHPER », testée depuis 2020 dans quatre communes de Kinshasa : Kimbanseke, Nd’jili, Kisenso et Limete.

Mais en quoi consiste cette méthode présentée comme une alternative crédible ? « Il s’agit de redonner une dignité à ces jeunes en les aidant à construire un projet de vie viable », explique le professeur. Concrètement, des éducateurs sociaux identifient les leaders positifs au sein des groupes, les forment à des métiers (mécanique, agriculture urbaine, petit commerce) et les accompagnent jusqu’à l’autonomie financière. Résultat : sur 350 jeunes suivis depuis trois ans, 70% ont rompu avec la violence selon les chiffres de l’équipe du professeur. Un succès relatif, mais qui interroge : pourquoi l’État ne généralise-t-il pas ce modèle ?

La réponse de Raoul Kienge-Kienge est sans appel : « La répression coûte moins cher que l’éducation ». Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le budget alloué à la sécurisation de Kinshasa lors des dernières élections aurait pu financer la formation de 5 000 jeunes selon des estimations locales. Un choix politique qui, selon le criminologue, perpétue un cercle vicieux : « Privés d’écoles, de soins et surtout d’espoir, ces adolescents voient dans la rue leur seule perspective de survie ».

L’approche AHPER, née en pleine pandémie de Covid-19, révèle pourtant une vérité troublante : derrière chaque « Kuluna » se cache souvent une histoire de marginalisation accumulée. Comme cet ancien chef de groupe rencontré à Nd’jili, aujourd’hui mécanicien : « Avant, je volais pour manger. Maintenant, je répare des moteurs et je paie la scolarité de mes frères ». Son témoignage, parmi d’autres, pose une question cruciale : jusqu’à quand fermera-t-on les yeux sur les racines sociales de cette violence ?

Le défi est de taille. Avec près de 70% de la population congolaise âgée de moins de 25 ans et un taux de chômage avoisinant les 40% chez les jeunes, la bombe sociale est en marche. « Sans investissement massif dans l’éducation et la formation professionnelle, même les meilleures approches resteront des gouttes d’eau dans l’océan », met en garde le professeur. Un avertissement qui résonne comme un appel à l’action : et si la paix sociale commençait par offrir un avenir à ceux qui n’en ont plus ?

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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