Dans la salle du salon rouge de l’immeuble du gouvernement à Kinshasa, une atmosphère à la fois solennelle et empreinte d’espoir a marqué la cérémonie de clôture du mois dédié à la femme. « Nous avons porté la voix des Congolaises jusqu’à New York, mais le chemin reste semé d’embûches », confie Rose Masala Ndarabu, Directrice Exécutive de l’Union Congolaise des Femmes des Médias (UCOFEM), les yeux rivés sur le mémorandum remis aux Nations Unies. Un symbole fort, mais qui soulève une question cruciale : ces engagements se traduiront-ils par des changements tangibles pour les millions de femmes congolaises confrontées quotidiennement aux violences et aux inégalités ?
Placé sous le thème « La Congolaise au centre de toutes les ambitions », ce mois de mars 2025 aura été marqué par un double mouvement : des avancées diplomatiques à la CSW69 et des défis persistants sur le terrain. La délégation congolaise a défendu à New York des priorités phares – lutte contre les violences basées sur le genre, accès à l’éducation et autonomisation économique –, des combats qui résonnent douloureusement dans un pays où 35% des femmes subissent des violences physiques avant 18 ans selon le Fonds des Nations Unies pour la population.
L’innovation de cette édition ? Une préparation inédite orchestrée par l’ambassadeur de la RDC à l’ONU. « Pour la première fois, toute la délégation s’est concertée en amont. Cela a permis une participation plus stratégique aux panels internationaux », explique Claudine Bakonzi, journaliste ayant couvert l’événement. Une avancée organisationnelle saluée, mais qui contraste avec certains dysfonctionnements : des accréditations non délivrées à certains délégués, limitant leur accès aux sessions clés.
Le plaidoyer congolais a particulièrement insisté sur l’autonomisation économique, pierre angulaire selon le Ministère du Genre. « Comment parler d’égalité quand 72% des femmes actives survivent grâce au secteur informel ? », interpelle une participante anonyme dans le public. La question plane comme un défi lancé aux autorités, alors que moins de 10% des crédits agricoles bénéficient aux femmes en RDC.
Si la marche du 21 mars devant le siège de l’ONU a offert une vitaine médiatique puissante, les actes concrets se font attendre. Le Ministère promet de « transformer les aspirations en actions » avec l’appui de partenaires. Mais sur le terrain, les centres d’accueil pour survivantes de violences manquent cruellement de moyens. « Nous avons besoin de plus que des discours », lance une militante de Bukavu jointe par téléphone, voix tremblante de colère contenue.
L’UCOFEM tire cependant des enseignements précieux pour l’avenir : nécessité d’une préparation élargie des délégations et systématisation des accréditations. Des recommandations qui visent à renforcer l’impact des prochaines participations internationales. Reste à savoir si ces mécanismes pourront infléchir des politiques nationales encore trop timides en matière de budget genré et de représentation féminine dans les instances décisionnelles.
Alors que les lumières s’éteignent sur le salon rouge, une évidence s’impose : entre les enceintes climatisées de New York et les marchés surchauffés de Kinshasa, le fossé reste abyssal. La vraie victoire sera peut-être ailleurs : dans l’émergence d’une nouvelle génération de femmes médias, leaders associatives et entrepreneures qui, jour après jour, réécrivent silencieusement l’histoire de l’égalité en RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
