Les cris déchirants d’une mère résonnent encore dans les ruelles boueuses d’Hérady, à Selembao. « Ils étaient tous là, mes enfants… Maintenant, il ne me reste plus que leurs souvenirs », sanglote une femme dont le visage raconte l’indicible. Ce jeudi 1er mai, six frères et sœurs âgés de 5 à 17 ans ont été écrasés par le mur d’une maison voisine, transformant un simple hangar familial en piège mortel sous l’effet de pluies torrentielles. Un drame qui expose crûment les failles béantes de l’urbanisme kinois.
Vers 15 heures, alors que des trombes d’eau s’abattaient sur Kinshasa accompagnées de vents violents, le mur de clôture d’une parcelle mitoyenne s’est effondré comme un château de cartes. Les services de secours dépêchés sur place n’ont pu que constater l’horreur : six corps d’enfants ensevelis sous les gravats, leurs uniformes scolaires encore visibles sous la boue. « C’est une négligence criminelle », tonne un sapeur-pompier les traits crispés, évoquant sous couvert d’anonymat « des matériaux de construction dignes du sable ».
Les inspecteurs de l’urbanisme n’ont pas tardé à pointer du doigt les responsables. « La base du mur ne dépassait pas 20 cm de profondeur, sans ferraillage ni ciment de qualité », dénonce un expert technique joint sur place. Un constat accablant qui relance le débat sur les constructions anarchiques dans une capitale où 60% des bâtiments sortiraient de terre sans permis ni contrôle, selon les chiffres officiels.
Derrière les pleurs des familles endeuillées se cache une réalité implacable : chaque saison des pluies transforme Kinshasa en champ de bataille urbain. Combien de murs malades menacent encore de s’écrouler au prochain orage ? Pourquoi les campagnes de sensibilisation sur les normes de construction restent-elles lettres mortes ? Les autorités promettent une enquête « approfondie », mais les habitants d’Hérady attendent davantage que des promesses. « On vit entourés de bombes à retardement », lâche un voisin en désignant les fissures serpentant sur les façades alentour.
Ce drame soulève une question vitale pour les 17 millions d’habitants de Kinshasa : jusqu’à quand tolérera-t-on l’insécurité architecturale dans une ville en proie au chaos urbain ? Alors que le gouvernement lance des grands travaux pharaoniques, les quartiers populaires continuent de s’édifier dans la plus totale précarité. Une dualité mortifère qui transforme les précipitations en sentences capitales pour les plus démunis.
La pluie a cessé sur Selembao, mais l’orage gronde dans les cœurs. Alors que les corps des jeunes victimes reposent à la morgue de l’hôpital général, leurs proches réclament justice. Mais au-delà de la recherche de responsabilités individuelles, c’est tout un système de gestion urbaine qui devrait comparaître. Car chaque brique mal posée, chaque permis ignoré, chaque contrôle éludé construit peu à peu la prochaine catastrophe annoncée.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd