Dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, le silence des salles de classe résonne comme un signal d’alarme. Cinq mois sans cours : voilà le bilan dramatique d’une année scolaire paralysée par une double crise. D’un côté, des enseignants en grève depuis septembre 2024 pour réclamer de meilleures conditions de travail. De l’autre, des affrontements quotidiens entre les rebelles du M23 et les forces armées soutenues par les wazalendo. Résultat ? Des milliers d’élèves transformés en victimes collatérales d’un conflit qui dépasse leur entendement.
« Comment expliquer à un enfant que son avenir se joue dans les tranchées plutôt que sur les bancs de l’école ? », s’interroge Aganze Murhabazi Arsène, coordonnateur de la synergie des étudiants ressortissants de Walungu. Son constat est sans appel : trois mois de fermetures liées aux combats s’ajoutent à deux mois de grève professorale. Une spirale infernale qui pousse nombre de jeunes vers des activités dangereuses. « Certains transportent des pierres dans les carrières, d’autres travaillent dans des champs minés », déplore-t-il.
La situation pose un défi de taille pour les finalistes. Les épreuves nationales – Examen d’État, TENASOSP et ENAFEP – approchent à grands pas, mais comment préparer ces examens sans cours ni encadrement ? Dans d’autres zones du Sud-Kivu comme Ngali ou Kamanyola, les établissements tentent de rattraper le retard avec des calendriers scolaires étendus jusqu’en août 2025. Mais à Walungu Centre ou Mulamba, les combats rendent toute reprise impossible.
Derrière ces chiffres se cache une réalité plus cruelle encore. Chaque jour sans école creuse les inégalités sociales et favorise le recrutement des groupes armés. « Quand l’école s’arrête, la rue prend le relais », analyse un chef d’établissement sous couvert d’anonymat. Les enseignants, pris en étau entre revendications salariales et insécurité, dénoncent l’absence de solutions durables. « Nos droits ne sont pas négociables, mais nos élèves ne devraient pas payer ce prix », confie l’un d’eux, la voix tremblante d’émotion.
Les conséquences dépassent largement le cadre éducatif. Cette interruption prolongée risque de compromettre des années d’efforts pour améliorer les taux de scolarisation dans la région. Les organisations locales tirent la sonnette d’alarme : sans intervention urgente des autorités provinciales et nationales, c’est toute une génération qui pourrait basculer dans l’analphabétisme ou pire, dans la violence armée.
Certains tentent malgré tout de résister. Des initiatives citoyennes émergent pour organiser des cours clandestins dans des églises ou des maisons privées. « On étudie à la lueur des lampes torches quand les combats s’éloignent », raconte Espérance, 17 ans, candidate à l’Examen d’État. Mais ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur des besoins. La question qui brûle toutes les lèvres : jusqu’à quand devront-ils choisir entre survivre et apprendre ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd