Dans un contexte de tensions croissantes en Afrique centrale, la visite du Vice-Premier ministre belge Maxime Prévot du 25 au 29 avril 2025 relance le débat sur les fractures diplomatiques autour de la crise sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Son périple, excluant le Rwanda, symbolise l’impasse des relations entre Bruxelles et Kigali, désormais rompues depuis les sanctions européennes contre ce dernier.
« Notre position se fonde sur le droit international, pas contre un État en particulier », a martelé M. Prévot à Kinshasa, répondant aux accusations rwandaises de partialité. Une référence directe aux mesures restrictives adoptées par l’UE envers des personnalités rwandaises, accusées de soutenir le M23. Un mouvement armé dont les exactions – documentées par l’ONU et plusieurs capitales occidentales – alimentent depuis deux ans l’instabilité du Nord-Kivu.
Le chef de la diplomatie belge justifie cette approche par une « boussole éthique » : « Respect de la souveraineté congolaise, justice pour les victimes, accès humanitaire ». Des principes mis à mal selon lui par « l’implication insidieuse de Kigali », malgré les dénégations répétées du président Paul Kagame.
La réaction rwandaise ne s’est pas fait attendre : rupture unilatérale des relations diplomatiques en février 2025. « Une décision émotionnelle plus que rationnelle », analyse Prévot, soulignant le contraste avec le maintien des canaux de communication avec Moscou malgré la guerre en Ukraine. Une comparaison qui interroge : pourquoi Bruxelles dialogue-t-il avec l’agresseur ukrainien mais pas avec le Rwanda ? « Parce que Kigali reste un acteur clé de toute solution durable », concède-t-il, révélant le paradoxe d’une crise où le fauteur de troubles demeure un interlocuteur incontournable.
Cette tournée africaine – limitée au Burundi, à l’Ouganda et à la RDC – illustre les nouvelles alliances régionales. Bujumbura, traditionnellement proche de Kigali, semble désormais privilégier une médiation congolaise. Quant à Kampala, son rôle ambigu dans le trafic d’armes vers l’Est congolais n’a pas empêché des discussions sur une « coopération sécuritaire ». Preuve que les réalpolitik locales complexifient les solutions simplistes.
En toile de fond, la Belgique tente de renouer avec son influence historique au Congo tout en présidant le Conseil de l’UE. Une position stratégique utilisée pour mobiliser les 27 États membres, même si des dissensions subsistent. Certains pays, comme l’Allemagne, privilégient le dialogue discret avec Kigali. D’autres, à l’instar de la France, suivent la ligne dure portée par Bruxelles.
Reste la question centrale : ces sanctions changeront-elles la donne sur le terrain ? Si les combats ont diminué depuis janvier 2025, les observateurs notent un redéploiement des rebelles vers le Sud-Kivu. Pis, la monnaie rwandaise – frappée par les mesures européennes – commence à impacter l’économie régionale, risquant d’alimenter de nouvelles violences.
« Le temps joue contre nous », admet un diplomate européen sous couvert d’anonymat. Entre pression internationale, fierté nationale rwandaise et urgence humanitaire congolaise, l’équation semble insoluble. La prochaine étape ? Probablement une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, où la Belgique pousse pour un mandat élargi de la mission Monusco. Mais sans accord régional, même les casques bleus risquent de rester impuissants face à ce conflit oublié.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd