Dans la pénombre de la nuit du 28 avril 2025, un cri déchire l’air entre Kinimi et Camp Mbanza. Un bus, fuyant un camion-remorque, s’est transformé en projectile mortel, fauchant des vies innocentes sur la RN1. Quatorze familles pleurent aujourd’hui. Trois survivants, dont le chef de Camp Mbanza, portent les stigmates de ce qui ressemble à une tragédie annoncée. « C’était un chaos… Des corps partout », murmure un témoin sous le choc, les mains tremblantes.
Ce drame n’est pourtant qu’un épisode supplémentaire d’une série macabre. La route nationale numéro 1, artère vitale reliant Kinshasa à Kikwit, étouffe sous son propre trafic. Largeur insuffisante, virages dangereux, absence de voies de dépassement : un cocktail explosif que dénonce Nora Mawa, administratrice adjointe de Masimanimba. « Comment voulez-vous que des camions, bus, motos et piétons cohabitent sur cette bande d’asphalte rétrécie ? », interroge-t-elle, la voix chargée d’une colère froide.
Derrière les chiffres – 14 morts en une nuit – se cache une réalité sociale criante. Cette route, paradoxale ligne de vie et de mort, est le cordon ombilical économique du Kwilu. Chaque jour, des centaines de marchandises et de passagers s’y engouffrent, pris en tenaille entre l’urgence de circuler et le risque permanent. « Ma femme vendait des bananes plantains à Kikwit… Maintenant, je dois élever nos cinq enfants seul », confie un veuf de 32 ans, les yeux rivés sur la chaussée fatale.
Les appels à l’aide des autorités locales résonnent dans un inquiétant silence. L’élargissement de la RN1, réclamé depuis des années, bute sur les lenteurs administratives. Pendant ce temps, les conducteurs jouent leur survie à chaque dépassement. « On conduit en priant », avoue un chauffeur de bus, montrant du doigt les impactes sur son pare-brise. Et les piétons ? Eux marchent en équilibre sur le bas-côté, à quelques centimètres des véhicules lancés à pleine vitesse.
Cette catastrophe pose une question cruciale : jusqu’à quand la RDC sacrifiera-t-elle ses citoyens sur l’autel des infrastructures défaillantes ? Le Kwilu n’est pas une exception. À travers le pays, des routes mal entretenues deviennent des pièges mortels. Chaque année, selon l’Organisation mondiale de la santé, près de 3 000 Congolais perdent la vie dans des accidents de circulation. Un chiffre qui masque des drames humains, mais aussi un frein au développement économique.
La balle est désormais dans le camp des décideurs. Moderniser la RN1 coûterait moins cher que le prix du sang versé. Créer des voies de dégagement, installer des glissières de sécurité, former les conducteurs : des solutions existent. Mais dans un pays où les priorités se heurtent à d’incessantes urgences, qui se souviendra des victimes de Masimanimba ? « Nous enterrons nos morts aujourd’hui, mais c’est tout un système qu’il faut ressusciter », lance un notable du village, les poings serrés sur une pelle de fossoyeur.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net