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RDC : l’école congolaise étouffe-t-elle ses langues maternelles ? Le débat explosif qui divise le monde éducatif

Alors que la République démocratique du Congo célèbre ce 30 avril la Journée nationale de l’Enseignement, une question persiste comme une épine dans le système éducatif : quelle place réserver aux langues nationales dans les salles de classe ? Entre interdictions strictes et débats passionnés, enseignants et élèves naviguent dans un paysage linguistique fracturé. Comment construire l’avenir éducatif d’un pays en marginalisant ses propres langues ?

Le français, une barrière invisible ?

Dans les couloirs des écoles congolaises, le Lingala, le Kikongo, le Swahili ou le Tshiluba se heurtent souvent à des portes closes. « Même dans la cour de récréation, certains directeurs punissent l’usage de nos langues », déplore Yann Kheme, ancien professeur de français. Une réalité qui interroge : la maîtrise du français doit-elle nécessairement passer par l’effacement culturel ?

Benoît Tsoluka du Groupe Scolaire Muanda nuance : « Nos langues sont une richesse, mais leur enseignement nécessite des structures ». Pourtant, les conséquences de cette exclusion transparaissent dans les classes. Yann Kheme observe quotidiennement des élèves « bloqués devant des concepts abstraits qu’ils ne parviennent à conceptualiser qu’en lingala ou en swahili ».

Apprendre dans la langue du cœur : utopie ou nécessité ?

Les témoignages des enseignants révèlent un clivage générationnel. Pour Yann Kheme, défenseur acharné des langues maternelles, « un enfant qui rêve en kikongo devrait pouvoir étudier dans cette langue ». Une position radicale qui trouve écho chez certains pédagogues : et si le bilinguisme précoce était la clé ?

Mais Benoît Tsoluka tempère cet enthousiasme : « La compréhension dépend moins de la langue que des méthodes pédagogiques ». L’enseignant, qui maîtrise le kiyombe appris sur les bancs de l’école, plaide pour une intégration progressive : « Commencez par des cours optionnels, formez les professeurs, créez des manuels… »

Quand l’école creuse les inégalités

Le débat dépasse la simple question culturelle. Dans les milieux défavorisés, l’absence de francophonie familiale devient un handicap scolaire. « Comment expliquer la photosynthèse à un enfant qui ne comprend pas le mot ‘chlorophylle’ ? » s’interroge Yann Kheme. Les résultats parlent d’eux-mêmes : décrochage précoce, difficultés d’expression, sentiment d’illégitimité…

Pourtant, même les « privilégiés » francophones ne sont pas épargnés. « Ils butent sur des expressions idiomatiques ou des références culturelles étrangères », constate l’enseignant. Une double fracture qui questionne l’efficacité du modèle actuel.

Vers une révolution pédagogique ?

Les solutions émergent timidement. Benoît Tsoluka propose un modèle hybride : « Intégrons des cours de langues nationales parallèlement au français ». Son collègue va plus loin : « Standardisons l’écriture du kikongo, créons des manuels de mathématiques en tshiluba ».

Mais comment concrétiser ces ambitions ? Yann Kheme insiste sur l’aspect légal : « Élevons nos langues au rang constitutionnel du français ». Une revendication qui rencontre des obstacles pratiques : formation des enseignants, financement des programmes, résistance des élites…

L’éducation, miroir de l’identité congolaise

En cette journée symbolique, le système éducatif congolais se trouve à la croisée des chemins. Faut-il uniformiser pour rivaliser à l’international, ou s’enraciner pour mieux éclore ? Les enseignants lancent un avertissement : « Négliger nos langues, c’appauvrir notre pensée collective ».

L’enjeu dépasse la salle de classe. Il touche à la construction d’une nation fière de son plurilinguisme. Comme le rappelle Benoît Tsoluka : « Un arbre sans racines ne porte pas de fruits ». Reste à savoir si les décideurs entendront cet appel avant que ne se tarisse le vivier culturel congolais.

Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd

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Yvan Ilunga
Yvan Ilunga
Né à Lubumbashi, Yvan Ilunga est un passionné de la richesse culturelle du Congo. Expert en éducation et en musique, il vous plonge au cœur des événements culturels tout en mettant en lumière les initiatives éducatives à travers le pays. Il explore aussi la scène musicale avec une analyse fine des tendances artistiques congolaises, faisant d’Yvan une véritable référence en matière de culture.
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