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RDC-Rwanda : Kinshasa lance une stratégie offensive pour la reconnaissance du génocide

Le Gouvernement congolais franchit un cap décisif dans la bataille mémorielle et diplomatique qui l’oppose à Kigali. Ce mardi 30 décembre, sous la houlette du ministre des Droits humains, Samuel Mbemba, la République démocratique du Congo s’est officiellement dotée d’une stratégie nationale de plaidoyer pour la reconnaissance des génocides. Cette validation, intervenue à l’issue d’une ultime réunion technique, n’est pas qu’un simple exercice bureaucratique. Elle consacre une volonté politique affichée de porter sur le devant de la scène internationale des crimes que Kinshasa impute au Rwanda depuis plus de trente ans, transformant un récit historique douloureux en un instrument de puissance diplomatique. Le président Félix Tshisekedi avait, lors du Conseil des ministres du 25 juillet 2025, donné l’instruction formelle de préparer ce document. Aujourd’hui, l’exécutif congolais semble passer à la vitesse supérieure, armant son discours d’un cadre structuré et officiel.

La manœuvre est habile. En confiant ce dossier au ministère des Droits humains, l’exécutif place le débat sur le terrain des valeurs universelles et du droit international, un champ où les émotions et la morale peuvent parfois primer sur la realpolitik. Samuel Mbemba a été clair : cette stratégie nationale de plaidoyer doit permettre à la RDC de « mener des actions, tant au niveau national qu’international, afin d’amener les communautés, les institutions et les États à reconnaître les génocides commis en RDC par le Rwanda ». Les mots sont forts, l’accusation directe. Cette reconnaissance officielle est présentée comme un préalable nécessaire à toute justice et à toute réconciliation durable, mais également comme un levier pour « renforcer la position diplomatique du pays ». Derrière l’apparente quête de vérité, ne s’agit-il pas aussi de forger une arme rhétorique imparable dans l’arène internationale, particulièrement face à des partenaires souvent ambivalents ?

La validation de ce document est le fruit d’un travail collégial impliquant des experts du Fonds National pour la Réhabilitation des Victimes de crimes de guerre et contre l’humanité (FONAREV) et de la Commission Indépendante d’Accompagnement du Processus de Vérification et d’Analyse des Rapports (CIA-VAR). Patrick Fata, Directeur général du FONAREV, a salué la réponse du ministère à l’instruction présidentielle, soulignant que la RDC dispose désormais d’une feuille de route claire. Cette stratégie pour la reconnaissance du génocide vise à inscrire la question « au cœur de l’agenda national et international ». L’objectif est triple : obtenir une reconnaissance formelle, consolider l’argumentaire diplomatique congolais et « engager la communauté internationale à assumer ses responsabilités ». Un appel à la conscience mondiale qui sonne aussi comme un réquisitoire contre la passivité souvent observée face aux tragédies congolaises.

Sur le plan intérieur, cette initiative pourrait servir de ciment national, en unifiant la population autour d’un récit victimaire partagé et en légitimant la posture ferme de l’État face à Kigali. Elle offre à la diplomatie congolaise un narratif puissant et émotionnel, susceptible de contrebalancer les pressions économiques ou sécuritaires. Cependant, le chemin vers la reconnaissance internationale d’un génocide est semé d’embûches juridiques et politiques. Les Nations unies, l’Union africaine et les grandes capitales mondiales devront-elles se positionner sur ce dossier explosif, au risque de raviver les tensions régionales ? La qualification de « génocide » est lourde de conséquences et son emploi dans le conflit Rwanda RDC reste vivement contesté par le Rwanda et par une partie de la communauté académique. Kinshasa engage ici un bras de fer sémantique et historique dont l’issue est loin d’être acquise.

La balle est désormais dans le camp des chancelleries congolaises. La réussite de cette stratégie de plaidoyer dépendra de sa capacité à mobiliser un réseau d’alliances, à produire des preuves irréfutables et à convaincre au-delà du cercle des sympathisants habituels. S’agit-il d’une démarche sincère pour la justice, ou d’un instrument de politique étrangère visant à isoler diplomatiquement le Rwanda ? La frontière est ténue. Dans les prochains mois, les actions concrètes menées en application de cette stratégie seront scrutées à la loupe. Le gouvernement Tshisekedi joue gros : un échec à internationaliser cette cause pourrait être perçu comme une faiblesse, tandis qu’un succès, même partiel, renforcerait considérablement sa stature sur la scène africaine et sa légitimité auprès d’une opinion publique congolaise en attente de réparations.

Alors que la RDC affûte ses arguments sur la scène des droits humains, la question centrale demeure : la communauté internationale est-elle prête à entendre ce récit et à en tirer les conséquences politiques et juridiques ? La validation de cette stratégie n’est pas une fin, mais le début d’une campagne longue et incertaine. Elle place la mémoire des victimes au centre d’un jeu diplomatique complexe, où chaque mot, chaque rapport, chaque rencontre internationale comptera. Le gouvernement congolais a lancé le défi. La réponse du monde se fera dans les actes, bien au-delà des déclarations de principe.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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